Points-clés
Malgré l'extrême volatilité provoquée par les banques ces derniers jours, nous n'avons apporté aucun changement majeur à nos recommandations stratégiques.
Perspectives économiques : une récession modérée reste attendue aux États-Unis cette année dans un contexte de baisse de l’inflation, le resserrement des conditions de crédit étant partiellement compensé par la baisse des taux d'intérêt et un soutien aux liquidités mondiales. Les banques centrales sont proches des points hauts des taux d'intérêt de référence.
Opinions sur les classes d'actifs : nous conservons notre opinion Positive sur les actions, Neutre sur les obligations souveraines, Positive sur le crédit investment grade, Positive sur les actifs alternatifs tels que les matières premières, Neutre sur l'immobilier.
Changement de recommandation : nous abaissons les emprunts d'Etat à court terme à Neutre suite au fort rebond des deux dernières semaines.
Le mouvement de repli vers les valeurs refuges a fait grimper le prix de l'or à environ 2000 USD l'once. Nous restons positifs sur l'or à long terme, mais, aujourd’hui, nous prenons des bénéfices partiels après le rebond de 9 % amorcé le 8 mars.
Actions de qualité : nous continuons de préférer les marchés européens, britanniques et émergents. En termes de choix d'investissement, nous privilégions désormais la qualité, compte tenu de la baisse des taux d'intérêt à long terme et de l'incertitude économique accrue à court terme.
La faiblesse des indices boursiers, la forte volatilité et les rendements élevés des dividendes renforcent l'attrait des produits structurés à capital garanti en actions.
Duration courte pour le crédit investment grade : nous apprécions à ce stade les crédits IG américains et européens de maturité courte, car les taux à long terme risquent de remonter.
Matières premières : suite à la forte chute des prix du pétrole, liée aux craintes de récession, nous identifions des opportunités sur le secteur de l'énergie.
Les autorités ont réagi rapidement
Les banques centrales ont tiré les leçons de 2008 lors de la faillite de Lehman Brothers : les banques centrales (Fed, BCE, Banque nationale suisse, Banque d'Angleterre, Banque du Japon et Banque du Canada) ont pris des mesures fortes et coordonnées pour contenir la crise bancaire actuelle et éviter un effet domino.
Impact économique
La confiance des consommateurs est principalement impactée par les incertitudes inflationnistes et la vigueur du marché de l'emploi. L’action des banques centrales a permis de faire chuter fortement les risques d'impact systémique sur le sentiment des entreprises et des consommateurs.
Nous maintenons notre hypothèse d'une baisse durable de l'inflation au cours des prochains mois. Tant aux États-Unis qu'en Europe, elle devrait passer sous la barre des 3 % d'ici le mois de décembre de cette année (en glissement annuel). L'activité économique et le marché de l'emploi devraient ralentir en raison des récentes hausses de taux d'intérêt des banques centrales. Le taux de chômage devrait toutefois rester faible par rapport aux moyennes de long terme. Même en cas de ralentissement plus marqué de l'activité, les entreprises préfèreront ne pas licencier de peur de ne pas pouvoir réembaucher pendant la reprise économique compte tenu du manque de main d’œuvre qualifiée. La combinaison de ces tendances devrait soutenir la confiance et la demande des ménages.
La principale menace liée aux récentes turbulences concerne désormais le comportement des banques en matière d'activité de crédit. Il est probable qu'elles se montrent plus averses au risque et resserrent leurs conditions de crédit. Cela pourrait peser sur l'activité économique au cours des prochains mois. La confiance des entreprises va probablement diminuer mais elle sera soutenue par l'amélioration des chaînes d'approvisionnement et une meilleure visibilité progressive sur l'inflation. Notre scénario de base prévoit une récession temporaire aux États-Unis. Dans la zone euro, l'activité économique devrait ralentir davantage, mais une récession peut être évitée. Même si les rendements obligataires peuvent rebondir temporairement, nous pensons qu'ils devraient se stabiliser à des niveaux plus faibles d'ici la fin de l'année, lorsqu'il deviendra évident que l'inflation a atteint un pic et que les banques centrales pourront abaisser leurs taux directeurs au cours de 2024. Associé à l'accélération de l'activité économique en Chine, cela devrait permettre une reprise de la croissance en fin d'année et une accélération en 2024.
Prise de bénéfices sur les obligations à court terme
Les rendements obligataires ont fortement baissé : le marché anticipe actuellement un scénario très négatif, la fin du cycle de resserrement pour toutes les grandes banques centrales et des baisses de taux de 100 pbs entre juin et décembre pour la Fed. La fin du cycle de resserrement pourrait être prématurée, car les banques centrales restent confrontées à un problème d'inflation et pourraient utiliser des outils macro-prudentiels afin d’assurer la stabilité financière.
La réaction du marché nous semble exagérée car nous ne sommes pas face à une répétition de la crise financière mondiale. Nous anticipons un léger rebond des rendements obligataires et adoptons une position Neutre sur les emprunts d'État américains et européens à court terme ainsi que sur les emprunts d'État américains à long terme. Nous restons Neutre sur les emprunts d'Etat à long terme en EUR. Le crédit de qualité a très bien résisté : les obligations investment grade européennes et américaines ont enregistré une performance totale positive (total return) au cours de la dernière semaine de crise bancaire, la baisse des rendements obligataires ayant plus que compensé l'écartement des marges de crédit.
Par ailleurs, les obligations à haut rendement ont enregistré des rendements totaux négatifs la semaine dernière. Nous conservons notre biais en faveur de la qualité et restons positifs sur les obligations investment grade européennes et américaines, avec une duration inférieure à celle de l'indice de référence (5 ans dans la zone euro et 7 ans aux États-Unis). Nous sommes Neutre sur les obligations à haut rendement.
Focus sur les obligations AT1
L'Autorité suisse de surveillance des marchés financiers a décidé que l'obligation Credit Suisse AT1 serait entièrement annulée, alors que les actionnaires, qui habituellement supportent en premier les pertes, ne sont pas impactés. Ce non-respect de la hiérarchie des créances soulève des questions et déclenche une correction des obligations AT1. Toutefois, les règles diffèrent selon les juridictions et les émetteurs. Nous sommes confiants à l'égard des l'AT1 européennes, la BCE ayant réaffirmé la hiérarchie des créances, à savoir que « les instruments de capitaux propres sont les premiers à absorber les pertes, et qu'une fois qu'ils auront été pleinement utilisés, les Additional Tier 1 devront être lésées ». De plus, le secteur bancaire européen est bien capitalisé.
Actions : des réactions rapides
En ce qui concerne les actions, nous ne modifions pas fondamentalement nos opinions. Nous considérons les récents échecs de certaines banques régionales américaines, ainsi que les multiples questions autour de Credit Suisse qui ont conduit à sa vente éventuelle à UBS comme des situations spécifiques qui ne reflètent pas les problèmes systémiques au sein du système bancaire mondial.
Nous tenons à souligner ce qui suit :
1. La solution avec UBS a été rapidement trouvée dans le contexte de turbulences actuelles (par rapport à la lenteur des décisions qui ont été prises pendant la crise financière mondiale) ;
2. Les autorités américaines ont également réagi rapidement dans le cadre de la faillite de trois banques régionales américaines ;
3. Dans l'ensemble, les systèmes bancaires américain et européen n'ont jamais été aussi solides, bien capitalisés, bien réglementés, avec une rentabilité qui s'améliore en raison de la forte hausse des taux d'intérêt/rendements au cours des 12 derniers mois.
Actions : privilégier la qualité
A court terme, les valeurs défensives de qualité pourraient surperformer davantage tandis que les incertitudes économiques et la volatilité restent élevées dans les secteurs financiers et cycliques. L'attention devrait revenir sur les États-Unis, où une solution plus structurelle pourrait également s'avérer nécessaire pour la First Republic Bank. Le marché sera attentif également aux décisions et commentaires de la Réserve fédérale après la réunion prévue du FOMC mercredi.
Dans ce contexte d'aversion au risque, parmi les défensives, nous pensons que les meilleures opportunités se trouvent dans la santé et les services aux collectivités. Mais rappelons que les valeurs cycliques se négocient à des valorisations historiquement basses et présentent des bilans solides, notamment dans le cas des valeurs financières et en lien avec les matières premières européennes. Cela crée généralement d'excellentes opportunités d'achat à moyen terme. De nombreuses valeurs cycliques devraient continuer de générer des flux de trésorerie à des niveaux inédits, leur permettant de verser des dividendes élevés, de racheter leurs propres actions et, désormais, pour les plus robustes, de se développer via des acquisitions opportunistes. Pour l'heure, nous attendons toutefois un point d'entrée plus clair sur les valeurs cycliques.
Optimiste à l'égard de la Chine
Nous restons Positif sur la Chine. La baisse surprise du ratio de réserves obligatoires (RRR) vendredi dernier indique que la politique monétaire chinoise reste accommodante. Il existe également des mesures différentes selon les villes afin de stimuler la consommation.
La récente dynamique des statistiques économiques laisse penser que l'économie pourrait dépasser l'objectif de croissance de 5 % fixé par le gouvernement pour cette année.
Le marché domestique des actions A chinoises pourrait être mieux préservé des turbulences bancaires à court terme. Une fois le calme revenu, nous prévoyons une surperformance de ce marché chinois étendu.
Perspectives pour le pétrole et l'or
Le risque de récession perçu comme plus élevé dans un contexte de resserrement des conditions de crédit explique la faiblesse récente des matières premières. Les prix du pétrole ont fortement évolué au cours des 2 dernières semaines, le Brent atteignant 72 USD et le WTI 66 USD. Les prix des métaux de base ont perdu plus qu’ils n’ont gagné en janvier.
En revanche, les prix de l'or ont bondi à 2000 USD l'once en raison de l'incertitude croissante, alors que les taux d'intérêt chutent et que les banques centrales sont prêtes à fournir aux banques confrontées à une crise bancaire d'énormes liquidités.
Selon nous, la baisse du cours du pétrole et des métaux de base ainsi que l'envolée de l'or sont exagérées dans la mesure où nous pensons que la probabilité de récession est faible.
Alors que l'administration américaine Biden veut reconstituer ses réserves stratégiques de pétrole à des prix inférieurs à 70 USD pour le WTI et que la consommation chinoise revient à la normale, la demande devrait augmenter tandis que l'offre reste limitée compte tenu du sous-investissement persistant et des sanctions russes. La lente reprise de la Chine a récemment pesé sur les prix industriels, mais nous savons que la forte demande liée à la transition énergétique devrait soutenir les prix à l'avenir. Nous conseillons donc de conserver les positions existantes et profiterons de baisses exagérées pour renforcer nos positions.
Sur le plan tactique, prendre des bénéfices partiels sur l’or autour de 2000 USD/oz semble également pertinent dans la mesure où la difficulté à casser les deux points hauts précédents pourrait déclencher une forte correction. Nous restons toutefois optimistes sur le long terme à l'égard de l'or qui reste notre couverture préférée contre les événements à risque extrême.
Conclusion : garder le cap
Au cours des deux dernières semaines, nous avons assisté à une volatilité historique tant au niveau des rendements obligataires que des secteurs actions, tels que les banques.
Cependant, il convient de prendre du recul et d'analyser le contexte macroéconomique et financier dans son ensemble. Il est important de souligner que :
1.Les perspectives de croissance économique à court terme n'ont pas fondamentalement évolué. Aux États-Unis, l'indicateur GDPNow de la Fed d'Atlanta prévoit une croissance du PIB de 3,2 % au premier trimestre 2023, bien supérieure à son potentiel. L'indice de surprise économique en Europe reste bien au-dessus du point mort d'inflation à +48, soulignant une dynamique économique plus forte que prévu dans la zone euro.
2.Les banques centrales telles que la Fed américaine, la BCE et la Banque d'Angleterre sont toutes sur le point de mettre un terme à leur cycle de relèvement des taux d'intérêt, les taux d'inflation étant orientés à la baisse.
3.Les rendements obligataires à court et long terme ont fortement chuté. Le rendement des bons du Trésor américain à 2 ans a chuté de 1,2 % depuis le 8 mars à 3,9 % actuellement, le rendement du Bund allemand à 10 ans a chuté de 0,65 % à 2,1 % et le rendement réel américain à 10 ans a reculé de 0,4 % à 1,3 %.
4.Les marchés d'actions ont étonnamment bien résisté, à l'exception des secteurs bancaires : l'Euro STOXX 50 est à moins de 5 % de ses récents plus hauts niveaux, tandis que le Nasdaq 100 a progressé dans le sillage de cette récente crise bancaire.
Compte tenu de ces éléments, nous ne voyons aucune raison pour changer radicalement nos opinions actuelles en matière d'allocation d'actifs.