Résumé
1. Méfiez-vous de l'excès d’euphorie sur les marchés d’actions. Alors que les marchés boursiers américains, japonais et européens volent de record en record, les investisseurs, séduits par cet enthousiasme, oublient les risques économiques et financiers qui subsistent. Suivez le mouvement pour le moment, mais attention aux signes d’essoufflement ou de changement de tendance.
2.Nous prévoyons une baisse des taux d'intérêt à partir de la mi-année. Nous nous attendons désormais à ce que la Fed et la BCE abaissent leurs taux directeurs en juin et au-delà à mesure que l'inflation baisse. Ne privilégiez pas les taux d'intérêt monétaires actuels dans la mesure où ils vont baisser et favorisez les autres classes d'actifs affichant des performances supérieures sur le long terme.
3.Les obligations à court terme rémunèrent plus que prévu les taux cash : sur 2024-25, les taux cash devraient ainsi générer en moyenne 4,5 % aux US et 3 % dans la zone euro. Les emprunts d'État à court terme et les obligations d'entreprises Investment Grade offrent déjà des rendements plus élevés. Cherchez à sécuriser des rendements plus élevés pendant plus longtemps via une exposition aux obligations et au crédit à court terme.
4.Pour bénéficier de rendements plus élevés, il vaut mieux privilégier des obligations d’entreprises du secteur financier, des titres adossés à des actifs (ABS) et des fonds d'obligations souveraines des marchés émergents : en acceptant un risque plus élevé, les investisseurs peuvent obtenir des rendements plus attractifs dans des fonds d'obligations du secteur financier en euro, des fonds ABS et d'emprunts d'État des marchés émergents.
5.Miser aussi sur les stratégies actions à faible volatilité : fonds indiciels globaux, exposition aux actions à hauts dividendes dans les secteurs européens des services aux collectivités et de la santé, et des solutions structurées indexées aux actions à rendement élevé ou offrant une protection contre le risque de baisse.
Des alternatives intéressantes pour rester en cash
Baisse des taux de dépôt cette année
Les taux d'intérêt de référence à court terme en dollar et en euro offrent aux investisseurs des taux nominaux inédits depuis 2007 : 5,5 % aux États-Unis et 4 % dans la zone euro. Il est compréhensible que de nombreux investisseurs conservateurs aient choisi de conserver une part élevée de leurs actifs en cash, soit via des fonds monétaires, soit via des dépôts à terme.
Dans la mesure où les taux d'inflation se rapprochent de l’objectif de 2 % fixé par les banques centrales, nous nous attendons à ce que ces taux directeurs commencent à baisser à partir du mois de juin de cette année. Ce cycle de baisse devrait se poursuivre en 2025, les taux directeurs ayant atteint un niveau inférieur à 3 % aux États-Unis et 2,5 % en Europe. En conséquence, ces taux d'intérêt au comptant actuellement attractifs vont également baisser au second semestre, et plus encore en 2025.
Risque de réinvestissement élevé
Les fonds monétaires et les dépôts à terme sont donc vulnérables au risque de réinvestissement - des rendements plus faibles sont très probables étant donné que nous anticipons une baisse substantielle des taux directeurs des banques centrales au cours des deux prochaines années.
Aujourd'hui, plus de 6 trillions USD sont actuellement investis dans des fonds monétaires américains à un niveau de taux de l’ordre de 5,3 %, tandis que 2,75 trillions EUR sont placés dans des dépôts monétaires auprès des banques par les ménages allemands, un nouveau record. Selon la BCE, les dépôts à terme de la zone euro d'une durée inférieure ou égale à 1 an présentent un taux d'intérêt moyen de 3,3 %. Ces taux devraient baisser dans les prochains mois à mesure que les banques centrales diminuent leurs taux.
Envisager des investissements générateurs de rendement prudents
Nous identifions un bon nombre d'investissements attractifs et générateurs de revenus au sein des classes d'actifs obligataires, actions et alternatives. Ces investissements prudents offrent selon nous une alternative intéressante génératrice de revenus aux dépôts en espèces.
Quel taux de liquidités cherchons-nous à surperformer ? D'après nos prévisions, le taux des Fed Funds devrait en moyenne atteindre 5 % sur le reste de l'année et seulement 4 % en 2025. Le taux de dépôt de la BCE devrait s'établir en moyenne à 3,7 % entre mars et décembre 2024, et à 2,9 % en 2025.
Compte tenu des écarts de rendement actuels entre les fonds monétaires américains et le taux des fonds fédéraux, on pourrait donc s'attendre à ce que les fonds monétaires américains rapportent 4,8 % en moyenne en 2024 et 3,8 % en 2025. Côté euro, sur la base de l’écart entre les taux des dépôts bancaires à terme par rapport au taux des dépôts de la BCE, les taux de rémunération des dépôts à terme devraient se rapprocher de 3 % en 2024 et bien en-dessous de 3 % en moyenne en 2025.
Ainsi, nous pensons qu’un rendement raisonnable devrait se situer autour des 4,5 % par an sur les 2 prochaines années aux États-Unis et de 3 % sur la même période dans la zone euro.
Aujourd'hui, le rendement de l'emprunt d'État américain à 2 ans offre 4,7 %, contre 3,4 % pour l'emprunt BTP italien à 2 ans. Ces niveaux de rendement sont donc déjà supérieurs aux taux de référence à deux ans US et Euro.
Les obligations d'entreprises Investment Grade à court terme présentent encore plus d'intérêt, avec un risque supplémentaire très limité : les obligations d'entreprises américaines à 0-3 ans offrent un rendement de 5,3 %, tandis que les obligations d'entreprises à 0-3 ans équivalentes en euro offrent un rendement de 3,9 %.
Investissements prudents sur les marchés obligataires et d’actions
Obligations : miser sur les obligations d'entreprises du secteur financier, les Asset-backed bonds securities (ABS) et les obligations souveraines des marchés émergents
Obligations d'entreprises européennes du secteur financier : pour bénéficier de rendements plus élevés au sein de l'univers obligataire européen, il est possible de miser sur des fonds contenant des obligations émises par des banques, des compagnies d'assurance et autres établissements financiers. Ces obligations d'entreprises dites "financières" offrent des rendements et des spreads de crédit légèrement plus élevés que les obligations d'entreprises non financières équivalentes de même qualité.
Au cours des cinq dernières années, ces fonds ont généré une performance moyenne de près de 6 % par an.
Asset-backed bonds (ABS) : certains fonds investissent dans des obligations d'entreprises avec des maturités courtes (2 ans en moyenne) adossées à des actifs spécifiques, comme les Asset-backed bonds securities (ABS), des titres adossés à des créances hypothécaires résidentielles (Residential Mortgage-Backed Securities, RMBS) et les obligations adossées à des prêts (Collateralised Loans, CLO). Cette sous-classe d'obligations d'entreprises est réputée être moins risquée que les obligations d'entreprises non garanties de même qualité de crédit, car elles sont liées à un actif et des flux de trésorerie spécifiques.
Ces fonds offrent des rendements de plus de 4,5 % et ont enregistré une performance moyenne de plus de 4 % par an depuis 2019.
La dette souveraine des marchés émergents : les fonds d'obligations souveraines des marchés émergents investissent principalement dans des obligations Investment Grade de pays tels que la Chine, le Mexique, l'Indonésie, le Brésil et la Malaisie, et une partie est également investie dans les obligations High Yield notées BB. Ces fonds de dette souveraine émergente offrent un rendement de plus de 5 % à l'heure actuelle et se sont bien comportés sur 2023.
Marchés d’actions : rechercher des opportunités conservatrices sur des marchés haussiers
Les investisseurs prudents en quête de revenus ne s’intéressent pas de prime abord aux marchés d’actions, étant donné le risque plus élevé inhérent aux actions par rapport aux obligations ou aux liquidités.
Toutefois, nous pensons qu’il y a plusieurs plusieures façons d'investir dans les actions tout en réduisant le niveau de risque de ce type d’investissement.
La plus simple est d'investir dans des ETF et des fonds n'investissant que dans des valeurs à faible volatilité, telles que représentées par l'indice MSCI World Minimum Volatility. Cet indice a progressé de 8,7 % par an en moyenne au cours des 5 dernières années en euros, soit plus de 50 % en cumulé. A comparer à un taux de 3,1 % pour les dépôts en euros et 0,2 % pour un indice obligataire global sur les 5 mêmes années.
Il est également possible d'investir dans des secteurs à faible volatilité et offrant des dividendes plus élevés, tels que la santé européenne et les services aux collectivités. Sur le long terme, ces stratégies ont surperformé les autres indices boursiers. Depuis début 2019, le secteur européen des services aux collectivités a enregistré une hausse moyenne de 8 % par an, tandis que les valeurs européennes du secteur de la santé ont enregistré une hausse moyenne de 11 % par an au cours des 5 dernières années.
Enfin, les investisseurs peuvent aussi privilégier les produits structurés afin de générer un rendement potentiellement élevé (par exemple via des produits reverse convertible) ou d’être exposés à la hausse des marchés actions, mais en limitant ou évitant le risque de baisse (via des solutions à capital garanti).
Le momentum est bon, mais gare aux signes d’essoufflement
Valeurs : la tendance reste votre amie
Si l'on examine la performance des marchés financiers sur les deux premiers mois de 2024, on constate que l'abondance de liquidités mondiales et la dynamique économique positive aux États-Unis sont les principaux facteurs à l'origine de la performance positive des actions, des obligations et même des crypto-monnaies.
Les marchés d’actions mondiales poursuivent leur ascension, tirés par les mega-caps technologiques américaines, mais également grâce à l’indice japonais Nikkei 225, l’Euro STOXX 50 et l’indice français CAC 40. Notons également la solide performance de l'indice MSCI Emerging Markets ex China, principalement porté par l'Inde, Taïwan et la Corée du Sud.
Si l’euphorie actuelle est pour beaucoup liée à l'intelligence artificielle et Nvidia, notons que le rallye s'est élargi au secteur technologique européen et japonais (+29 % chacun) qui ont surperformé l'indice Magnificent 7 américain (+24 %) et l'indice Nasdaq 100 (+19 %) depuis novembre dernier.
Obligations d'entreprises : le High Yield en tête
Les obligations d'entreprises Investment Grade ont perdu du terrain en février, les rendements mondiaux ayant progressé grâce à la vigueur de la croissance économique américaine, la hausse de l'emploi et une inflation plus élevée que prévu en janvier soutenue par la résistance des prix des services.
En revanche, les obligations High Yield américaines et européennes ont suivi le rallye des marchés d’actions sur fond de contraction des spreads de crédit. Ce resserrement reflète une hausse de l'appétit pour le risque à l'échelle mondiale.
Aucune tendance haussière ne dure éternellement; attention à l’essoufflement
Des signes d'euphorie sont visibles au sein des indices mesurant le sentiment des investisseurs particuliers. À titre d'exemple, l'indice CNN Fear & Greed a atteint 75 sur 100 soit un niveau « d’extrême cupidité », tandis que les investisseurs particuliers continuent à acheter des ETF technologiques américains, en excluant le reste du marché d’actions.
Même si il est opportun de profiter de la forte hausse des marchés d’actions pour le moment, il convient de ne pas se laisser emporter par l’euphorie. La gestion du risque est essentielle pour générer des performances positives solides sur le long terme.
Les indicateurs que nous suivons de près
Nous surveillons plusieurs indicateurs clés, pouvant provoquer un renversement de tendance :
- La liquidité mondiale : très importante mais difficile à mesurer précisément, on peut cependant prendre comme indicateur la masse monétaire M2 (composante de la masse monétaire totale comprenant les dépôts sur livrets et les crédits à court terme). Elle a continué de progresser depuis le mois d'octobre, ce qui est encourageant.
- Les indicateurs de stress sur les marchés américains : les indices OFR Financial Stress et Goldman Sachs global financial conditions continuent tous deux de soutenir les actions à la hausse, pour l'instant.
- Volatilité des marchés obligataires américains : un indicateur clé du risque particulièrement important pour les marchés d’actions est le niveau de volatilité des marchés obligataires américains, mesuré par l'indice MOVE. Ce niveau reste proche de ses plus bas niveaux de 2022, et aucun signe de retournement n'est encore visible.
Risques économiques : vers un futur ralentissement de la consommation aux États-Unis ?
La dynamique économique américaine continue de surprendre
Les statistiques économiques publiées aux États-Unis en janvier ont révélé une activité et une croissance de l'emploi plus soutenues que prévu. Ces bonnes statistiques sont portées par les créations d'emplois hors secteur agricole.
C'est d'ailleurs ce dont témoigne la robustesse persistante des indicateurs GDPNow de la Fed d'Atlanta (estimation du PIB en temps réel) pour le T1 2024, qui reste bien au-dessus de sa tendance à un taux annuel de 2,9 %. Il est donc logique que l'indice des surprises économiques aux États-Unis se soit hissé en territoire positif au cours des deux premiers mois de l'année, sous l'effet de la vigueur des statistiques.
Ce qui est peut-être moins évident, c'est que la dynamique économique a également continué de s'améliorer dans la zone euro, bien qu'à des niveaux certes très faibles en fin d'année dernière. La confiance des ménages commence à se redresser, l'impact des taux d'inflation très élevés s'atténuant progressivement et l'impact positif de la hausse des salaires se répercutant finalement sur les dépenses des ménages.
Mais les effets des hausses de taux d'intérêt vont se faire sentir et l’épargne jusque-là excédentaire pourrait se tarir
Nous devons être prudents à l'égard de l'économie américaine. L'impact total des précédentes hausses des taux d'intérêt à court et à long terme n'a probablement pas encore été ressenti dans l'activité manufacturière et de consommation, et les excédents d'épargne des ménages dans l'ère du COVID sont probablement épuisés désormais. Par conséquent, nous anticipons un ralentissement des dépenses des ménages américains d'ici le 2ème semestre 2024.
L'Europe bénéficie de la baisse des coûts de l'énergie
L'une des très bonnes nouvelles pour l'économie européenne a été la baisse régulière des prix de gros du gaz naturel et de l'électricité au lendemain de l'invasion de l'Ukraine en 2022.
Les prix actuels du gaz naturel néerlandais et de l'électricité allemande sont revenus à des niveaux que l'on n'avait plus observés depuis le début de l'année 2021, c'est-à-dire bien avant l'éclatement du conflit ukrainien. Cela se reflète déjà dans la baisse des coûts de l'industrie, l'IPP de la zone euro ayant reculé à un rythme annuel de 27,5 % en décembre. Cette baisse des coûts énergétiques de gros ne s'est pas encore totalement reflétée dans la baisse des prix à la consommation, la composante énergétique de l'IPC de la zone euro s'établissant en janvier à -6 % sur une base annuelle.
Ces coûts énergétiques devraient rester bas, voire baisser encore un peu plus à l'approche du printemps, ce qui se traduit par une baisse de la demande de chauffage. De plus, nous risquons d'assister à l'envoi massif de cargaisons de gaz naturel liquéfié (GNL) des États-Unis et du Qatar. Le stockage du gaz naturel en Europe se situe toujours à un plus haut saisonnier de 66 %, ce qui, conjugué à une baisse saisonnière de la demande, pourrait se traduire par une baisse des prix du gaz naturel et de l'électricité dans les mois à venir.
Cela pourrait entraîner une nouvelle baisse de l'inflation globale en Europe au cours des prochains mois, dopant ainsi le pouvoir d'achat des ménages et les marges bénéficiaires des entreprises grâce à la baisse des coûts d'exploitation. C'est une bonne raison de ne pas être trop pessimiste sur les perspectives économiques en Europe cette année.
Ce podcast a été réalisé par Edmund Shing, Global Chief Investment Officer pour notre réseau international BNP Paribas Wealth Management.