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Focus stratégie d'investissement : décembre 2024

Edmund Shing
Global Chief Investment Officer at BNP Paribas Wealth Management
Publié le 12 Décembre 2024 - Mis à jour le 13 Décembre 2024
Temps de lecture : 7 minutes 31 secondes

La volatilité recule par rapport au pic atteint après les élections américaines.

RÉSUMÉ

  1. Le Trump Trade 2.0 s'estompe : les questions sur l'ampleur et le calendrier des changements de politique fédérale américaine en matière de déréglementation, d'impôts, de droits de douane et de politique étrangère resteront en suspens jusqu'à l'investiture présidentielle du 20 janvier 2025. Après un coup de pouce post-électoral en faveur du dollar, des rendements obligataires et des actions américaines, les marchés attendent désormais les détails sur les politiques qui seront menées.
  2. Les banques centrales baisseront encore leurs taux en 2025 : la BCE devrait réduire le taux de dépôt à 2 %, tandis que le taux des fonds fédéraux américains tomberait à 3,75 % en septembre 2025, à mesure que l'inflation se calme. La baisse des taux devrait stimuler l'activité industrielle. Nous privilégions les entreprises qui investissent dans les infrastructures électriques et les data centres.
  3. Les prix de l'énergie vont-ils encore baisser ? Malgré les tensions au Moyen-Orient, les prix du pétrole ont baissé pour se rapprocher de la fourchette 60-70 dollars/ baril, compte tenu d'une offre plus robuste. L'augmentation de la production de l'OPEP + pourrait faire baisser les prix du pétrole, ce qui soutiendrait la consommation. Privilégier le secteur du tourisme et des loisirs, les actions britanniques et la distribution américaine.
  4. Rééquilibrage des portefeuilles actions : depuis la mi-2024, les marchés se sont tournés vers les actions de petites capitalisations américaines (+19 %), suivies par l'indice équipondéré S & P 500 (+14 %), le Nasdaq 100 (+5 %) étant quant à lui à la traîne. Nous continuons de préférer les petites et moyennes capitalisations américaines aux indices équipondérés et pondérés par capitalisation boursière du S & P 500 ainsi que du Nasdaq 100.
  5. Le rallye des métaux précieux est-il terminé ? Le cours de l'or a subi une correction dans le sillage de l'appréciation du dollar américain et de la hausse des rendements obligataires. Nous restons convaincus que le rallye de l'or et de l'argent peut se poursuivre, les moteurs de la demande sous-jacente n'ayant pas changé. Nous maintenons notre objectif de 3000 USD à 12 mois pour l'or.

Les bonnes nouvelles vont-elles durer en 2025 ?

Les marchés financiers ignorent l'incertitude mondiale

Malgré les guerres en Ukraine et au Moyen-Orient et des élections politiques qui ont eu lieu dans plus de 70 pays en 2024, les incertitudes qui en ont résulté n'ont pas fait dérailler les valorisations des actifs financiers. La croissance économique modérée à travers le monde, associée à la baisse de l'inflation et à des taux d'intérêt de référence, a offert un environnement macroéconomique idéal, permettant une croissance stable des bénéfices, des revenus et des valeurs. En 2024, la plupart des classes d'actifs ont généré des performances positives pour les investisseurs, grâce notamment à la forte progression des actions et de l'or.

Défis pour 2025

Le refinancement des dettes souveraines records deviendra un problème de taille compte tenu de la hausse du poids de la dette sur les budgets nationaux. Ce facteur pourrait peser sur les rendements obligataires à long terme, freinant la performance des obligations et ce même dans un contexte de baisse des taux directeurs.

Ensuite, le niveau élevé de valorisation des grandes capitalisations américaines, proche de 22x le PER, suite à la performance impressionnante des actions « Magnificent 7 », pourrait peser sur les marchés boursiers en cas de ralentissement de la dynamique bénéficiaire. Les obligations d'entreprises américaines sont également chères d'un point de vue historique, à en juger par le niveau historiquement bas des spreads de crédit par rapport aux obligations souveraines.

En fin de compte la liquidité mondiale jouera un rôle crucial dans la détermination de la performance des actifs financiers au cours de l'année à venir, sous l'impulsion des actions des banques centrales. La baisse des taux d'intérêt contribuera à stimuler la liquidité. Cependant, un facteur clé sera la conversion des taux d'épargne élevés des ménages des instruments monétaires vers des actifs plus productifs sur le plan économique, en particulier en Chine et en Europe.

Principales tendances à surveiller en 2025

Selon nous, les investisseurs devraient garder à l'esprit certaines tendances au cours de l’année prochaine :

Perspectives économiques, taux d'intérêt et devises

Entrer dans un nouveau monde de droits de douane et de déréglementation

Le résultat des élections américaines est en train de changer la donne. Les effets sur la croissance américaine devraient être positifs au cours des prochains trimestres, mais contrastés, voire négatifs, en 2026. La mise en place de davantage de mesures de relance et de droits de douane qui devraient doper l'inflation, l'économie restant proche du plein emploi, constitue l’hypothèse principale. Nous anticipons des hausses de droits de douane de la part du nouveau président américain, mais faisons l'hypothèse qu'elles seront plus faibles que prévu dans la mesure où les menaces tarifaires seront également utilisées comme technique de négociation. La déréglementation est l'autre axe majeur. La croissance européenne devrait être affectée, mais seulement modérément. Nous n'anticipons que  peu d'impact sur les prévisions d'inflation. Il en va de même pour la plupart des autres pays. Les risques d'une récession dans la zone euro restent faibles car la tendance de fond demeure favorable, en particulier pour la consommation. Les perspectives de revenus des ménages restent positives, d'autant plus que les incertitudes inflationnistes se sont dissipées. Notons également qu'une grande partie des mauvaises nouvelles a déjà été intégrée dans les cours et que les statistiques économiques ont globalement surpris positivement début novembre, même dans la zone euro.

En ce qui concerne la Chine, l'Assemblée populaire nationale de novembre a déçu en ne faisant pas mention de soutien budgétaire à la consommation ou au marché immobilier. Les marchés s'inquiètent également de l'éventualité de droits de douane américains et du durcissement de ton de Donald Trump à l'égard de la Chine, qui a annoncé nommer Mike Waltz au poste de conseiller à la sécurité nationale. Toutefois, de nouvelles mesures de relance budgétaire sont encore possibles. Une moindre incertitude et la fin possible des conflits en Ukraine et au Moyen-Orient pourraient avoir un impact positif sur la croissance mondiale en 2025. Cependant, à moyen terme, nous anticipons un effet négatif des droits de douane.

Perspectives des taux directeurs: baisse en 2025

L'issue de l'élection américaine pourrait inciter la Fed à mettre un terme au cycle de baisse des taux plus tôt que prévu. Nous pensons que la Fed fera une pause dans son cycle de baisse des taux en septembre 2025 avec un taux directeur de 3,75 %, soit deux baisses de 25 pb de moins que notre scénario pré-électoral. Dans la zone euro, la désinflation est bien engagée et la BCE risque de perdre de la dynamique économique. Nous voyons donc une probabilité accrue d'un cycle de baisse des taux plus marqué. Nous prévoyons désormais un taux final de la BCE de 2 % qui devrait être atteint en septembre 2025.

Rendements obligataires et hausse des primes de risque aux États-Unis

Dans le sillage des élections américaines, nous avons revu nos objectifs de rendement des obligations américaines, compte tenu du risque inflationniste et du risque d'augmentation des dépenses budgétaires qui laisse présager d'une augmentation de l'offre de bons du Trésor. Le rendement américain à 10 ans devrait s'établir à 4,25 % dans 12 mois. Nous maintenons notre objectif à 12 mois sur le rendement du Bund allemand à 2,25 %.

À la recherche d'un dollar américain fort

Le principal moteur des prochains mois sera le différentiel de taux d'intérêt. Comme indiqué précédemment, le taux directeur de la banque centrale américaine devrait se stabiliser à un niveau plus élevé que dans nos précédentes perspectives. De surcroît, la BCE devrait abaisser ses taux plus que prévu compte tenu du résultat des élections américaines. Cela impliquerait un différentiel de taux bien plus élevé en faveur du dollar par rapport à l'euro. Nous anticipons une stabilisation de l’EUR/USD autour de 1,02 en 2025. Nous avons également revu notre objectif pour l’USD/JPY à 150 (valeur d'un dollar) pour nos objectifs à 3 et 12 mois.

Modifications des recommandations après les élections américaines : actions

Actions : nous passons positifs sur les États-Unis 

Après la victoire républicaine, nous devrions assister à la mise en œuvre de nombreux (ou de tous) plans de relance budgétaire proposés, notamment des réductions d'impôts et une déréglementation. Il convient de garder à l'esprit que les petites et moyennes capitalisations ont un taux d'endettement plus élevé afin de réduire l'impôt sur les sociétés, car, entre autres facteurs, leur taux d'imposition effectif est actuellement supérieur à celui des grandes capitalisations. Si nous combinons ces éléments avec une politique axée principalement sur l'économie domestique, nous constatons que les conditions sont réunies pour un passage plus durable des méga-capitalisations américaines, encore relativement onéreuses, à des segments du marché à des prix plus raisonnables. Nous maintenons donc notre préférence relative pour les petites et moyennes capitalisations par rapport au S&P 500 équipondéré et au S&P 500 pondéré par le marché. Dans la mesure où cette politique devrait également contribuer à la hausse des indices PMI manufacturiers, nous continuons de privilégier les actions cycliques exposées à l'économie domestique. Les valeurs financières constituent notre principale conviction sectorielle aux États-Unis, le secteur devant bénéficier d'un environnement de taux  durablement élevés et de la poursuite de la déréglementation.

Baisse de recommandation de l'Europe à neutre 

Les perspectives pour l'Europe se sont nettement détériorées ces derniers temps. Non seulement la menace d'une réaccélération des tensions commerciales mondiales met en péril notre scénario de reprise de la croissance, mais c'est aussi probablement le pire moment.  Avec l'éclatement de la coalition gouvernementale allemande, l'un des principaux pays de la zone euro sera confronté à des difficultés intérieures au cours des prochains mois. Une réponse européenne coordonnée à toute exigence américaine est donc plus compliquée. En Europe, nous privilégions les actions britanniques.

Du fait de sa structure commerciale ouverte et tournée vers l'exportation, l'Europe pourrait également souffrir de l'escalade des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine. Bien que notre scénario de base ne repose pas sur l'hypothèse d'un taux global de droits de douane de 10 % ou de droits de douane de 60 % sur la Chine, l'incertitude liée à cette menace pourrait engendrer de sérieuses craintes en termes de croissance, dans la mesure où l'incertitude freine généralement les investissements. Jusqu'à présent, les entreprises européennes ont publié des résultats mitigés. Bien que les bénéfices pondérés par la capitalisation flottante aient dépassé de 3,7 % les prévisions du consensus, les révisions de bénéfices restent globalement négatives.

Un optimisme prudent à l'égard des actions chinoises 

Nous restons prudemment optimistes à l'égard des actions chinoises pour trois raisons :

  1. de nouvelles mesures de relance budgétaire sont encore possibles. Il est probable que Pékin préfère introduire de nouvelles mesures de relance dans le budget 2025 après l'investiture de Trump ;
  2. les droits de douane de 60 % sur la Chine ne constituent pas notre scénario de base. À l'instar de la guerre commerciale 1.0, il pourrait s’agir de la tactique commerciale de Donald Trump pour un accord commercial (il faudra peut-être moins de temps pour parvenir à un accord dans la guerre commerciale 2.0), et
  3. le marché chinois pourrait rester volatil à court terme, mais nous pensons que les actions domestiques de catégorie A (par exemple l'indice CSI 300) devraient mieux résister que les actions chinoises offshore en raison de la réforme en cours des marchés de capitaux. De plus, la facilité de swap issue du plan de relance annoncé en septembre a bien fonctionné en permettant d’améliorer la liquidité du marché et d’encourager les flux de capitaux vers les marchés des actions de catégorie A.

Modifications des recommandations après les élections américaines : crédit et matières premières

Crédit et obligations des marchés émergents

La victoire républicaine est le scénario parfait pour le crédit car il implique un assouplissement de la réglementation et une baisse de l'impôt sur les sociétés. Les crédits d'entreprises pourraient tester de nouveaux points bas de cycle aux États-Unis. En Europe, cette victoire électorale n'est pas positive pour le crédit compte tenu des droits de douane potentiels et de l'incertitude géopolitique. Nous pensons toutefois que cette mesure est au moins partiellement intégrée dans les cours et nous ne nous attendons pas à ce que Donald Trump impose autant de droits de douane que prévu. Le contexte technique reste très favorable, et nous restons positifs à la fois sur les obligations d'entreprises Investment Grade en EUR et en USD et neutres sur les obligations d'entreprises à haut rendement (où les spreads de crédit sont déjà très serrés).

Sur les marchés émergents, les fondamentaux sont solides et le portage élevé. Cependant, la politique budgétaire américaine expansionniste qui devrait se traduire par une hausse des rendements obligataires américains, et la divergence des politiques des banques centrales laissent présager d'un raffermissement du dollar. Ces deux facteurs ne sont pas favorables aux obligations émergentes. En outre, les droits de douane potentiels et les tensions commerciales nuiront aux exportateurs des marchés émergents. Par conséquent, nous adoptons une position neutre sur les obligations émergentes.

Matières premières : pétrole et or

Le président élu Donald Trump s'est engagé à soutenir l'exploration pétrolière et gazière aux États-Unis (y compris le pétrole et le gaz de schiste) en revenant sur la réglementation et en accélérant les procédures d'octroi de permis. Cela se traduira par une augmentation de la production de gaz et de pétrole, déjà record dans le pays. Si cette situation offre des perspectives positives de croissance des volumes pour les entreprises énergétiques américaines, elle pourrait induire des pressions supplémentaires sur les prix du pétrole dans un contexte d'offre et de demande déjà difficile. La croissance de la demande mondiale reste très lente, en partie en raison de la transition énergétique.  Cette perspective d'une nouvelle augmentation de l'offre américaine s'ajoute à l'intention de l'OPEP d'augmenter progressivement sa production. Ces dernières années, l'OPEP + avait réduit sa production de 5,8 millions de barils par jour afin de soutenir les prix. Mais cela a été compensé par l'offre croissante des pays non membres de l'OPEP. L’OPEP + souhaite désormais récupérer des parts de marché. Une augmentation très progressive de la production, associée à une plus grande discipline de la part de certains membres, pourrait être un résultat réalisable pour le marché pétrolier.

Nous révisons à la baisse notre opinion sur le prix du pétrole brut Brent à Négatif avec une nouvelle fourchette cible de 60-70 USD. Les risques baissiers augmentent, surtout si l'OPEP + augmente sa production trop rapidement ou ne parvient pas à un accord convaincant (ou fasse preuve d’un manque de discipline). Nous anticipons une croissance limitée de la demande mondiale au cours des prochaines années en raison de la transition énergétique.

À plus long terme : des opportunités ponctuelles

L'émergence (et la chute) de l'exceptionnalisme américain

Au cours des 60 dernières années, le marché boursier américain a généré une performance exceptionnelle sur trois périodes distinctes : 1962-67, 1987-2000 et 2009 à l'heure actuelle. Sur chaque période, les grandes capitalisations américaines ont affiché une performance exceptionnelle, de +800 % (moyenne annuelle de 19,4 %) entre 1987 et 2000 et de +980 % (moyenne annuelle de 16,3 %) entre 2009 et aujourd'hui.

Dans le premier cas, l'émergence de l'exceptionnalisme américain a été marquée par les Nifty 50, des actions américaines exposées au monde entier considérées comme les seules à détenir. Dans le second cas, nous avons assisté à la bulle des technologies et des télécommunications des années 1990, alimentée par l'enthousiasme suscité par la croissance rapide d'Internet. Dans l'épisode actuel, nous avons le Magnificent 7 et le battage médiatique autour de l'intelligence artificielle.

Aujourd'hui, les actions américaines dominent le marché boursier mondial, avec une part record de 66 % dans l'indice MSCI All Country World. De plus, les 10 plus grandes valeurs de l'indice S&P 500 ont atteint un niveau record de 31 %. Même au plus haut de la concentration en 2000, cette part n’atteignait que 26 %. Selon Vanda Research, le portefeuille d'actions du citoyen américain moyen voit 40% de sa valeur représentée par seulement 3 actions technologiques !

Mais rien ne dure éternellement

Après 1967 et 2000, la surperformance des actions américaines a été suivie d'une période prolongée de sous-performance par rapport aux actions internationales et aux autres classes d'actifs. De 1967 à 1987, les actions internationales ont largement surperformé les actions américaines, tandis qu'entre 2000 et 2008, les actions basées sur l’énergie et les petites capitalisations l'ont emporté sur les grandes capitalisations américaines.

Pour le moment, les États-Unis restent le moteur de la performance après les élections américaines

À court terme, les actions américaines surfent sur une vague d'euphorie post-électorale quant aux perspectives de baisses d'impôts et de déréglementation, tandis que les actions internationales souffrent du spectre de droits de douane américains de grande ampleur.

La clé d'un changement potentiel dans la domination des méga-capitalisations technologiques réside dans un ralentissement de la croissance des bénéfices par action de ce groupe, qui a démontré jusqu'à présent une dynamique bénéficiaire leader sur le marché. Mais avec des prévisions de bénéfices désormais si élevées pour ce groupe, le risque de forte correction des prix sur la base d’une déception des résultats trimestriels a augmenté.

La dynamique du « Trump trade 2.0 » ne devrait pas durer

Alors que les marchés financiers continuent de spéculer sur les changements de politique de Trump après l'investiture présidentielle du 20 janvier 2025, nous ne pensons pas que la flambée post-électorale immédiate des rendements obligataires, du dollar américain et des cryptomonnaies soit susceptible de se maintenir. L'environnement économique de 2025 est très différent de celui auquel le président Trump était confronté en 2017 en termes de déficit budgétaire, de niveau de la dette fédérale et même de dynamique inflationniste.

Nous pensons que les marchés pourraient surestimer l'ampleur des changements probables de politique fiscale et tarifaire à la suite du premier mandat du président Trump. En 2025, l'administration fédérale et la Réserve fédérale seront soumises à des contraintes économiques beaucoup plus strictes.

Les retournements dans la vigueur actuelle du dollar américain pourraient signaler un changement de dynamique au profit des petites et moyennes capitalisations américaines, des valeurs et des marchés décotés, ainsi que d'autres classes d'actifs comme les matières premières.

À plus long terme : des déficits budgétaires structurellement élevés

Un lourd fardeau de la dette souveraine post-COVID

Le seul problème à long terme qui n’a pas été clairement abordé dans les programmes de l'un ou l'autre des deux candidats à l'élection présidentielle américaine concerne le déficit budgétaire élevé (écart entre les recettes fiscales et les dépenses du gouvernement fédéral américain). À 6 % du PIB, ces dépenses excessives par rapport aux recettes fiscales se traduisent par une hausse annuelle de 7 % de l'encours total de la dette publique américaine, qui doit être financé par une augmentation des émissions de bons du Trésor américain.

Aujourd'hui, la dette fédérale totale des États-Unis représente 120 % du PIB, soit une forte hausse depuis mi-2008, lorsque ce ratio dette/PIB ne s'élevait qu'à 64 %.

L'ère de la domination budgétaire est à nos portes

Après 1967 et 2000, la surperformance des actions américaines a été suivie d'une période prolongée de sous-performance par rapport aux actions internationales et aux autres classes d'actifs. De 1967 à 1987, les actions internationales ont largement surperformé les actions américaines, tandis qu'entre 2000 et 2008, les actions basées sur l’énergie et les petites capitalisations l'ont emporté sur les grandes capitalisations américaines.

La dominance budgétaire survient lorsque la dette nationale a atteint des niveaux auxquels un pays n'est pas en mesure de la rembourser au moyen de recettes fiscales et a donc besoin du soutien de la politique monétaire (de la banque centrale) pour rester solvable et continuer à fonctionner. Compte tenu de l'encours impressionnant de la dette publique aux États-Unis, en Europe et au Japon, nous pensons que nous sommes entrés dans une ère de domination budgétaire post-COVID. Concrètement, cela signifie ce qui suit :

  1. les banques centrales telles que la Réserve fédérale et la BCE ne peuvent pas se contenter de fixer des taux directeurs en fonction des conditions économiques. Une hausse trop importante et trop rapide des taux d'intérêt peut entraîner une augmentation du coût de financement de la dette publique par le gouvernement pour qu’il soit rassurant. Cela peut créer des doutes sur la viabilité de la dette sur les marchés obligataires.

À leur tour, les rendements obligataires pourraient fortement augmenter en raison des hausses de la prime de risque, menaçant ainsi la stabilité des marchés financiers, l'un des principaux objectifs sous-jacents des banques centrales. Il se peut donc que les taux directeurs doivent être maintenus à des niveaux plus bas qu’ils ne le seraient autrement.

  1. Cela suggère que les gouvernements ont une capacité réduite à soutenir la demande grâce à d'importantes dépenses publiques en période de crise, comme lors de la crise financière de 2008 et la pandémie de COVID de 2020.
  2. Les banques centrales peuvent être amenées à tolérer une inflation légèrement supérieure à leur objectif de 2 %, afin de permettre une lente érosion de la valeur de cette dette en termes réels (après inflation). Dans le cadre de leur mandat de stabilité des marchés financiers, ils peuvent également être contraints d'intervenir en dernier recours sur des emprunts d'État via des mesures d'assouplissement quantitatif.

Les niveaux de la dette fédérale américaine deviennent périodiquement problématiques du fait de l'existence d'un plafond d'endettement absolu défini par la loi. Ce plafond doit être explicitement relevé avec l'accord du Congrès chaque fois qu'il est atteint, afin d'éviter un arrêt des activités gouvernementales (shutdown). Le plafond de la dette américaine est actuellement suspendu mais entrera automatiquement en vigueur début janvier 2025. Début 2025, une fois les réserves de trésorerie des bons du Trésor épuisées, les craintes entourant le plafond de la dette pourraient resurgir.

La croissance de la dette américaine est un moteur du cours de l'or : l'ère de la domination budgétaire souligne l'importance de l'or dans un portefeuille diversifié, en tant que forme de « monnaie saine » acceptée à l'échelle mondiale.

Notre expert
Edmund Shing
Global Chief Investment Officer at BNP Paribas Wealth Management
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