Bien souvent l’investisseur éprouve des difficultés à vendre un titre alors qu’il parvient aisément à acheter.
L’acte d’achat fait appel aux fondamentaux de l’entreprise. Après s’être plongé longuement dans les analyses détaillées des valeurs, l’investisseur s’approprie une belle histoire. Il peut néanmoins inconsciemment actionner le biais de confirmation en occultant toutes les informations dissonantes et se concentrer uniquement sur celles qui viennent confirmer son opinion. Ce comportement ne fait que renforcer sa conviction initiale et l’incite à croire que seul son scénario finira par aboutir un jour ou l’autre.
Une fois sa décision prise, il investit donc une partie de son portefeuille dans la valeur et pense naturellement que le plus dur est fait. Or, le plus dur reste à faire. Et c’est ici que se situe tout le paradoxe de l’investisseur. Le paradoxe se caractérise par un relâchement de l’attention une fois investi alors que c’est précisément à ce moment-là qu’il devrait redoubler de vigilance. En effet, l’investisseur devrait en théorie pleinement contrôler son acte de vente, impliquant un gain ou une perte.
Première difficulté : vendre en perte
La difficulté à vendre en perte a pour origine l’attention de l’investisseur, portée davantage sur le choix des valeurs que sur la gestion du risque de son portefeuille. En ayant ce type de comportement, l’investisseur tombe inlassablement en dissonance cognitive quand une mauvaise nouvelle frappe une de ses valeurs. Il se trouve paralysé, incapable de réagir et recherche des informations consonantes. Il en trouve car nous trouvons toujours des analyses qui nous rassurent. Dès lors, il est doublement convaincu que son scénario de départ est toujours valide, tombe en excès de confiance et souvent finit par moyenner en baisse. Ensuite, il laisse dériver consciemment sa position perdante pendant longtemps, incapable de se séparer d’une valeur dont le prix d’achat se situe désormais bien plus haut. Chaque investisseur a vécu cette expérience, cette terrible erreur qui coûte financièrement mais surtout psychologiquement.
Seconde difficulté : vendre en gain
La difficulté à vendre en gain provient du fait que l’investisseur subit l’effet de dotation qui l’incite à surévaluer toujours une valeur qu’il possède. Ce comportement est d’ailleurs renforcé si l’investisseur détient une valeur depuis plusieurs années. Pour réaliser la force de ce piège, je vous invite à imaginer ne plus posséder votre valeur et à vous demander si vous l’achèteriez aujourd’hui. Bien souvent cette pratique permet de réaliser que nous conservons en portefeuille des valeurs pour lesquelles nous n’avons plus ou peu de conviction. Dès lors, nous gardons des valeurs sous-performantes alors même que nous sommes conscients de leur retournement baissier.
De manière générale, la difficulté à vendre provient d’un certain nombre de références inconscientes qui viennent empoisonner la prise de décision. Ces références agissent comme des ancres desquelles il est très difficile de s’extraire. Portzamparc a identifié trois ancres : le prix d’achat des valeurs, la durée de détention des valeurs et l’objectif de cours fourni par les analystes.
Voici quelques phrases qui illustrent la difficulté à vendre :
- Je ne peux pas vendre cette valeur car mon prix d’achat est supérieur (ancre sur le prix d’achat)
- Je possède cette valeur depuis longtemps et son prix d’achat est faible donc inutile de s’en séparer même si elle retourne à la baisse (ancres sur la durée de détention et le prix d’achat)
- J’aime bien les fondamentaux même si le marché a l’air de ne pas les apprécier (ancre sur le scénario d’investissement initial)
- Je conserve ce titre qui se retourne à la baisse car les analystes conservent un objectif de cours bien plus haut (ancre sur l’objectif de cours)
- J’aurais pu vendre cette valeur dans de meilleures conditions, maintenant c’est trop tard alors je fais le dos rond (ancre sur un plus haut récent)
- Je ne peux pas vendre cette valeur maintenant car je l’ai achetée il y a trop peu de temps (ancre sur la durée de détention)
En conclusion, savoir vendre ses valeurs est un vrai défi qui nous semble primordial de relever pour faciliter les arbitrages de son portefeuille au gré des différents environnements de marché. Néanmoins, la prise de conscience de ses erreurs ne suffit pas à modifier sa prise de décision.
C’est pourquoi, chez Portzamparc, nous avons développé une application web à destination de nos équipes car nos conseillers sont aussi sujets aux différents biais mentionnés plus haut. Nous avons donc recréé en interne les relevés de portefeuille de nos clients en excluant le prix d’achat et la date d’achat de leurs valeurs. De plus, notre comité d’investissement émet des recommandations sur les valeurs sans aucun objectif de cours. Toutes ces actions que nous avons entreprises voilà plus de cinq ans permettent quotidiennement aux équipes de faciliter leurs prises de décisions et de mieux accompagner nos clients. Ainsi, nous vivons l’investissement en actions plus sereinement.