Interview de Roger Keller, responsable stratégie d’investissement, BNP Paribas Wealth Management.
Comment appréhender l’émergence de l’industrie 4.0 ?
Roger Keller : Les entreprises ont à faire face à un monde de croissance limitée par une demande finale tendanciellement en baisse, une concurrence intense et un commerce international fébrile. Ainsi, on voit mal les entreprises procéder à une augmentation de leurs capacités de production ou ouvrir de nouvelles lignes. Il est important pour elles de défendre les parts de marché. Pour y arriver, les entreprises recourent de plus en plus à l’automatisation, aux big data et vont devenir de plus en plus des utilisatrices de l’intelligence artificielle. Il s’agit pour elles d’optimiser les coûts, la gestion du temps et les ressources. Les valeurs de flexibilité et d’agilité deviennent clé.
Le mouvement n’est-il que défensif ?
R.K. : Pour les entreprises traditionnelles, il s’agit avant tout de s’adapter, clairement dans une optique de survie. Une récente étude de Capgemini, réalisée auprès de dirigeants d’entreprises de plus d’un milliard de dollars de chiffre d’affaires, a révélé que les industriels estiment que 21% de leurs sites deviendront des usines 4.0 d’ici 2022. Selon la même étude, les fabricants qui investissent dans les usines 4.0, prévoient des gains d’efficacité pour les activités manufacturières de 27% au cours des cinq prochaines années, soit une contribution de 500 milliards de dollars en valeur ajoutée annuelle à l’économie mondiale. Le mouvement est donc bien réel. Pour ces entreprises traditionnelles, mais pas seulement, on observe également la volonté de localiser les capacités de production proches des consommateurs et d’être capables de proposer des produits plus ciblés.
Sur quels types d’activités peut-on anticiper de la création de valeur sur une optique de moyen/long terme ?
R.K. : Les acteurs traditionnels qui se seront le mieux adaptés. Quelques secteurs semblent en pointe en la matière, comme l’aéronautique, la défense, la production industrielle et l’automobile. Mais également les nouveaux acteurs car l’on est en train d’assister à une transformation de la chaîne de création de valeur. Sont donc concernées des entreprises du domaine des logiciels, des services de cloud computing, de data lake, en plus de celles proposant des solutions d’automatisation. L’investisseur devra également tenir compte des zones géographiques les plus concernées par le phénomène. Il s’agit des Etats-Unis et de l’Europe de l’Ouest. En revanche, la Chine et l’Inde semblent moins en avance. La création de valeur ne se limite pas néanmoins au domaine manufacturier. Des secteurs tels que la santé ou la finance sont de grands gagnants de cette 4e révolution industrielle.
Voir aussi
Industrie 4.0 – Thème d’investissement 2019 #8 – Interview de Florent Bronès, Responsable de la stratége d’investissement de BNP Paribas Wealth Management (Vidéo)