Résumé
- Comme l'a dit la présidente de la BCE, le principal sujet de la réunion d'octobre était "l'inflation, l'inflation, l'inflation". La BCE devrait décider de la normalisation de la politique post-Covid en décembre. Compte tenu de l'évolution récente de l'inflation, nous avons avancé notre prévision d'une hausse du taux de dépôt au S2 2023. Le marché anticipe deux hausses du taux de dépôt en octobre 2022.
- La Fed a commencé à normaliser sa politique en réduisant son programme d'achat d'obligations. Nous prévoyons une première hausse de taux au T4 2022, ainsi que 3 hausses de taux par an en 2023 et 2024. Le marché prévoit que la première hausse de taux aura lieu en septembre 2022.
- Les taux d'intérêt à court terme ont augmenté plus rapidement que les taux d'intérêt à long terme aux États-Unis et en Allemagne, car les marchés ont réévalué la normalisation des politiques monétaires. Les taux d'intérêt à long terme devraient encore augmenter. Nos objectifs sont de 2% aux États-Unis et de 0% en Allemagne dans 12 mois. Vue négative sur les obligations d'Etat à long terme américaines et allemandes.
- Même si l’inflation anticipée basée sur les prix de marché prédit mal l’inflation réalisée, elle ne peut pas être ignorée. Les attentes d’inflation sont toujours ancrée aux États-Unis et en zone euro.
Banques centrales : la divergence
Banque centrale européenne (BCE)
Comme l'a dit la président Lagarde, le principal sujet de la réunion d'octobre de la BCE était « l'inflation, l'inflation, l'inflation ». En effet, les anticipations d'inflation basées sur les prix marché ont augmenté rapidement et les enquêtes d’opinion indiquent également que les consommateurs sont préoccupés par l’inflation.
La BCE pense toujours que l'inflation est transitoire, avec une diminution de la pression inflationniste dans le courant de l'année 2022, mais a admis que la phase d'inflation plus élevée pourrait durer plus longtemps que prévu.
Le marché a fortement réévalué le rythme des hausses de taux de la BCE et escompte deux hausses du taux de dépôt en octobre 2022. Compte tenu de l'évolution récente de l'inflation, nous avons avancé notre prévision d'une hausse du taux de dépôt au 2e semestre 2023.
La réunion de décembre sera importante et devrait officialiser la fin du programme d'assouplissement quantitatif d'urgence (PEPP).
Réserve fédérale américaine (Fed)
Le marché a sensiblement réévalué le rythme du cycle de resserrement de la Fed. Alors qu'aucune hausse de taux n'est encore attendue cette année, le marché prévoit deux hausses de taux d'ici à la fin de 2022, la première étant prévue pour septembre 2022.
Cela ne correspond pas à nos prévisions selon lesquelles l'inflation atteindrait un pic et diminuerait en 2022. Nous maintenons donc notre hypothèse d'une première hausse des taux au quatrième trimestre 2022, suivie de 3 en 2023 et 3 autres en 2024.
La Fed a annoncé sa décision de réduction progressive des achats d’actifs (tapering) lors de sa réunion de novembre. Le tapering devrait durer de décembre à juin 2022, soit une réduction mensuelle de 15 milliards de dollars des achats d'actifs chaque mois (2/3 de bons du Trésor et 1/3 de titres adossés à des créances hypothécaires). Ils se laissent une option sur une eventuelle accélération du tapering en décembre. Selon nous, la Fed continuera à réinvestir les obligations arrivées à échéance au cours des prochaines années, de sorte que son bilan ne se réduira pas et que les conditions financières resteront accommodantes.
CONCLUSION
L’announce de tapering de la Fed, pour les prochains mois, était largement attendue. Il en va de même pour la fin du programme d'urgence de la BCE (PEPP) en mars 2022. Le grand point d'interrogation est la date de la première hausse des taux. Selon nous, les attentes de marché sont exagérées. Nous pensons que la Fed relèvera ses taux au quatrième trimestre 2022 et que la BCE la suivra au deuxième semestre 2023.
Rendements obligataires : hausse des taux à long terme
Les rendements obligataires à long terme ont augmenté légèrement en octobre aux États-Unis et en Allemagne. Cette hausse a été entièrement alimentée par les attentes d’inflation, puisque les rendements réels ont encore chuté. Le rendement allemand à 10 ans a atteint son plus bas niveau historique.
Les courbes de rendement des États-Unis et de l'Allemagne se sont aplaties, les rendements des obligations à court terme ayant augmenté plus rapidement que ceux des obligations à long terme. Les inquiétudes concernant l'inflation et la hausse des prévisions de relèvement des taux de la Fed et de la BCE se sont reflétées dans la partie courte des courbes de rendement.
Les rendements obligataires à long terme devraient continuer d'augmenter étant donné les inquiétudes concernant l'inflation et le fait que les banques centrales s'éloignent des mesures d'urgence Covid-19.
L‘abondance de liquidités, la BCE, l'obligation pour les assureurs/fonds de pension d'acheter des actifs sûrs, la rareté des Bunds peuvent limiter la hausse des rendements obligataires.
CONCLUSION
Les rendements obligataires ont augmenté et devraient continuer à le faire. Nos objectifs à 12 mois pour les taux à 10 ans sont de 2 % aux États-Unis et de 0 % en Allemagne.
Thème du mois : inflation, évidemment
L'inflation accélère, qu’elle soit réalisée ou anticipée, basée sur les prix de marché ou sur des enquêtes.
Différentes réactions : les banques centrales des pays émergents ont déjà augmenté leurs taux directeurs pour lutter contre l'inflation et éviter la dépréciation de leurs devises. Certaines banques centrales de pays développés ont changé d’avis, comme la Banque du Canada, qui a pris le marché par surprise en révisant sensiblement à la hausse ses projections d'inflation et en accélérant la normalisation de sa politique.
Mais l’inflation est très difficile à prévoir car cela implique d'estimer les prix de l'énergie -qui sont volatils par nature- et d'anticiper le comportement des consommateurs lorsque les prix changent.
Les mesures d’inflation anticipée basées sur les prix de marché prédisent mal l'inflation réalisée : certes, les séries n'ont pas un historique long, mais elles montrent que les anticipations d’inflation basées sur les prix de marché sur et sous estiment l'inflation réalisée, parfois jusqu'à 1% dans la zone euro (voir graphique). Idem avec les données américaines.
La crainte : les marchés craignent que la BCE et la Fed changent soudainement d'avis sur l'inflation et accélèrent subitement la normalisation de leur politique monétaire. Cependant, rien n’est moins sûr étant donné que l’inflation anticipée en euro et aux États-Unis semble toujours ancrée, même si la relation s'est affaiblie ces derniers temps, c'est-à-dire que dernièrement les mesures des anticipations d'inflation à long terme basées sur le marché ont davantage réagit aux nouvelles à court terme.
Notre scénario de base : l'inflation est en train d’atteindre un pic dans la zone euro et aux États-Unis, mais elle restera plus élevée que par le passé. Les anticipations d’inflation à dix ans aux États-Unis et en Europe sont élevés. Elles pourraient encore augmenter, mais pas de manière substantielle sans une spirale prix-salaire, ce qui n’est pas notre scénario de base.
Couvertures à long terme contre l'inflation : les matières premières, l'or, l’immobilier, les actions d'entreprises qui ont un pouvoir de fixation des prix, les obligations indexées sur l'inflation avec une couverture de la duration (ou une duration courte).
CONCLUSION
L'inflation augmente dans la plupart des pays, de même que l’inflation anticipée. Même si l’inflation anticipée basée sur les prix de marché prédit mal l’inflation réalisée, elle ne peut pas être ignorée car elle influence les comportements des agents économiques. Certaines banques centrales ont déjà relevé leurs taux directeurs en réaction, d'autres non, arguant que l'inflation est transitoire et que les attentes d’inflation sont toujours ancrée.
Cette analyse a été réalisée par notre réseau international BNP Paribas Wealth Management.