Résumé
- Après les banques centrales d'Angleterre et du Canada, au tour de la BCE et de la Fed de réduire les mesures d’urgence. La réduction/fin des achats nets d’obligations ne signifie pas que ces banques centrales durcissent leur politique monétaire car elles continueront à réinvestir les obligations tombées à maturité pendant plusieurs années. Vu le stock d’obligations accumulé, les montants à réinvestir seront substantiels.
- Les taux à long terme devraient reprendre le chemin de la hausse à partir de juin. Nous restons négatifs sur les obligations américaines et allemandes à long terme.
- Plus d’opportunités sur les obligations américaines à court terme pour les investisseurs en dollar car nous pensons que la Fed sera plus patiente pour normaliser sa politique monétaire que ce qu’escompte le marché.
- Plus d’inflation dans les prochains mois aux États-Unis mais les obligations indexées à l’inflation nous semblent correctement valorisées. Le potentiel de hausse est limité.
- Sur le crédit, les taux de défauts baissent grâce à l’amélioration des fondamentaux. Les spreads sont à des niveaux historiques bas. La performance des obligations d’entreprises viendra du portage.
Banques centrales
Réduire bientôt les mesures d’urgence
Banque centrale européenne (BCE)
Ton raisonnablement optimiste du coté de la BCE: certes les défis contre la Covid sont encore là, mais la campagne de vaccination s’accélère et la reprise économique devrait être forte.
Nouvelles projections économiques à venir en juin. Elles seront probablement améliorées par rapport à celles de mars.
Conséquence : les membres de la BCE partisans d’un politique monétaire plus stricte vont certainement renouveler leurs appels pour que la BCE réduise les montants qu’elle achète sur les marchés obligataires chaque semaine via son programme d’urgence pandémique (PEPP).
Nous pensons qu’ils seront écoutés et que la BCE va réduire ses achats très progressivement à partir de juin, tout en insistant sur la flexibilité de l’outil PEPP et donc la possibilité d’augmenter les achats si besoin.
Nous pensons que la BCE épuisera l’enveloppe de 1850 milliards d’euros du PEPP et qu’il ne sera pas prolongé au-delà de mars 2022.
La Fed reste sur sa ligne de pensée : l’inflation sera temporaire, l’économie s’améliore, l’emploi également, mais pas assez pour justifier le début d’un retrait du soutien monétaire. La Fed veut que le marché de l’emploi s’améliore pour tous les Américains. Or 20% des travailleurs dans la tranche de salaire la plus basse sont toujours au chômage après un an depuis février dernier. Le dernier rapport de l’emploi était moins bon qu’attendu, la Fed est donc confortée dans son idée d'être patiente.
Réserve fédérale américaine (Fed)
Aussi, la Fed continuera d’acheter 120 milliards de dollar par mois de titres dans le marché. La baisse du rythme des achats (tapering) n’est pas l’ordre du jour.
Tapering : le débat sera probablement lancé en juin, après plusieurs solides rapports de l’emploi et 70% de la population adulte vaccinée contre la Covid.
Nous tablons sur une annonce de tapering en Septembre, avec implémentation début 2022, et une première hausse de taux directeur quand les effets de la pandémie se seront dissipés, au T3 2023.
Conclusion
La Fed et la BCE devraient réduire progressivement leurs mesures d’urgence dans les mois qui viennent. Les politiques monétaires resteront toutefois très accommodantes car même si les flux d’achats nets s’arrêteront, les réinvestissements des obligations arrivées à maturité continueront pendant des années. Le stock énorme d’obligations détenues par les banques centrales garantit des réinvestissements substantiels.
Rendements obligataires
Pause à court terme dans un marché baissier
Les messages prudents et concertés de la Fed ont porté leurs fruits: le taux américain à 10 ans est retombé proche de 1,55% après avoir touché un plus haut à 1,74% fin mars. A l’inverse, les taux allemands à long terme se sont tendus légèrement suite à une série de publication de chiffres économiques meilleurs que prévu. Le taux allemand à 10 ans est revenu à son niveau pré-pandémie (-0,20%). Le taux moyen à 10 ans des pays de la zone euro (pondéré par leur PIB) est repassé positif (0,12%).
En tout état de cause, les taux longs aux États-Unis et en Europe restent très bas au regard de la très forte croissance économique à venir. Nous pensons que les taux à long terme vont reprendre le chemin de la hausse en juin, quand les banques centrales changeront progressivement leur discours.
Vue négative sur les obligations souveraines à long terme, américaines et allemandes.
Vue positive sur les obligations souveraines américaines à court terme. Le marché escompte une séquence de hausse de taux directeurs trop agressive selon nous.
Conclusion
La diverge entre l’évolution récente les taux à long terme américain et allemand n’est pas le début d’une tendance. Les taux à long terme devraient se tendre à nouveau à partir de juin.
Thème du mois
Treasury Inflation Protected Securities (TIPS)
La pandémie a causé des ruptures majeures dans les chaines d’approvisionnement au niveau mondial. Maintenant que la reprise économique s’amorce dans la plupart des pays développés, les prix des matières premières explosent. Le pétrole et les métaux gagnent entre 3 et 30% depuis le début de l’année (exception faite pour l’or qui perd 3%). Idem pour les prix des produits agricoles, avec des hausses de 10-20% et même jusqu’à 60% pour le maïs.
L’inflation est perceptible dans les données agrégées, surtout aux États-Unis, où l’indice des prix à la consommation était de 2,6% en mars (1,3% en zone euro).
Les opérateurs de marchés anticipent une inflation plus soutenue dans les années à venir qu’aujourd’hui, tout en escomptant une surchauffe temporaire (cf. graphique). Ils prévoient une inflation annualisée de 2,68% sur les cinq années à venir aux États-Unis, soit le plus haut niveau depuis la crise financière de 2008. Les anticipations sont plus modérées en zone euro: 1,28% en Allemagne, 1,37% en France et 1,34% en Italie.
Aussi, les obligations américaines indexées sur l’inflation (TIPS) ont enregistré des flux acheteurs conséquents depuis le début de l’année. Elles permettent de toucher des coupons ajustés de l’inflation et un capital à maturité également ajusté de l’inflation (ou le capital initial en cas de déflation).
Aujourd’hui, les TIPS nous paraissent correctement valorisées après la forte remontée des anticipations d’inflation.
L’indicateur à suivre est l’évolution des taux réels. Le tapering (réduction des achats d’actifs de la Fed) de 2013 avait fait bondir les taux réels, ce qui avait fait chuter la valorisation des TIPS de l’ordre de 8% en quelques mois (cf. graphique). L’histoire ne devrait cependant pas se répéter avec la même amplitude, vu la grande prudence de la Fed. Nous anticipons l’annonce du tapering pour septembre.
D’ici là, nous sommes neutres sur les TIPS du fait de la valorisation. En terme relatif, nous pensons qu’elles surperformeront les obligations nominales.
Conclusion
Le potentiel d’appréciation des obligations américaines indexées sur l’inflation (TIPS) est limité selon nous. L’inflation pourrait continuer sa progression au cours des prochains mois mais les taux réels devraient se tendre. Nous préférons rester neutres sur les TIPS. En relatif, elles devraient toutefois surperformer les obligations nominales.