Zoom sur l'incertitude politique et la désinflation mondiale
RÉSUMÉ
1.La désinflation prend de l’ampleur : les principales économies entrent dans une phase de désinflation avec une inflation s’approchant rapidement de 2 %. D’autres banques centrales vont abaisser leurs taux cette année tandis que de nouvelles baisses sont attendues en 2025. Les baisses de taux de la Fed en l'absence de récession économique bénéficient aux obligations à court terme, aux actions et à l'or.
2.Le focus politique se tourne vers les élections américaines : des hausses immédiates et conséquentes des droits de douane sont peu probables compte tenu du risque d'accélération de l'inflation aux États-Unis et de diminution du pouvoir d'achat des ménages. Sur le long terme, les cycles économiques et de taux d'intérêt mondiaux ont généralement un impact bien plus important sur les marchés financiers que la politique.
3.La viabilité de la dette européenne et américaine n’est pas une préoccupation à court terme : les ratios dette publique/PIB et les déficits budgétaires ont sans aucun doute augmenté après 2020, mais le coût moyen de la dette reste faible. L’incertitude politique a été largement prise en compte. Préférez les obligations à plus courte échéance en cas de baisse de l’inflation et des taux des banques centrales.
4.La rotation actuelle vers les petites capitalisations peut-elle se poursuivre ? Le mois de juillet a été historique avec la plus importante rotation entre les grandes capitalisations américaines et l'indice Russell 2000. Les baisses de taux de la Fed devraient aider considérablement les petites capitalisations, compte tenu de leur plus forte exposition aux taux variables. Nous préférons une exposition aux actions américaines sous la forme d'indices équipondérés du S&P 500 ou des indices small/mid cap.
5.A quel moment « jouer le repli » ? En juillet, les actions internationales (-4 %) et les marchés de matières premières (-8 %) ont toutes les deux reculé par rapport à leurs récents sommets. Nous considérons qu’il s’agit d’une correction de fin de cycle, compte tenu de la liquidité sous-jacente raisonnable, des fondamentaux économiques et des résultats des entreprises au 2ème trimestre. Privilégier les actions et les matières premières sur repli en septembre.
Le ralentissement de l'activité ouvre la voie à la désinflation et à des baisses de taux
Dans les pays industrialisés, les indicateurs avancés tels que les enquêtes de conjoncture soulignent un affaiblissement de l’activité économique après une période de reprise progressive. La demande des consommateurs reste cependant résiliente car l’inflation diminue et les banques centrales devraient réduire les taux. Les entreprises ont réduit le nombre d’offres d’emploi, mais ne licencient pas à grande échelle. C’est essentiel car elles ont réalisé au cours des deux dernières années qu’il subsiste une pénurie de travailleurs qualifiés. Les enquêtes suggèrent que les ménages restent confiants quant à l’emploi et aux revenus futurs. Les ménages génèrent jusqu’à deux tiers de la demande totale et devraient offrir un soutien clé à l’avenir. Dans l’ensemble, les enquêtes suggèrent que les entreprises sont plus prudentes, mais les niveaux des indices ne laissent pas entrevoir de risques de récession. La Chine a montré des signes de reprise, comme le confirment les données récentes sur le commerce intra-asiatique. Des défis structurels subsistent. Lors de son troisième plénum, les autorités chinoises ont laissé entrevoir de nouvelles mesures de soutien qui pourraient venir de manière progressive. Nous pourrions voir quelques surprises à la hausse.
L’inflation mondiale suit une tendance à la baisse depuis la fin de 2022. Cette désinflation a d’abord été provoquée par la baisse des prix des biens, la forte demande post-Covid s’étant inversée et s’étant déplacée vers les services. Les prix liés au logement ont été beaucoup plus fluctuants, ce qui explique en grande partie pourquoi le processus de normalisation de l’inflation sous-jacente est plus lent. Aujourd’hui, le ralentissement de l’inflation salariale suggère que cette stabilisation est proche. La récente hausse des coûts du transport maritime par conteneurs est préoccupante, mais l’impact total sur l’inflation mesurée par l’IPC sous-jacent est faible et ne devrait pas faire dérailler la tendance à la désinflation. La nouvelle baisse des prix du pétrole et du gaz est une bonne nouvelle.
Aux États-Unis, la hausse des prix à la consommation marque le pas, tout comme la création d'emplois. Après trois mois de croissance atone, l'indice des prix à la consommation sur un an a reculé en juin, pour la première fois en deux ans. L'IPC sous-jacent a progressé de 0,1 % sur le mois et marque un net ralentissement à 3,3 % en juin. Plusieurs segments ont contribué à ce ralentissement, comme les tarifs aériens (-5 %) et les hôtels (-2,5 %). L'assurance automobile a rebondi comme prévu, mais l'inflation des services hors logement s'est contractée tout comme les services de loisirs et de transport (hors assurance automobile et tarifs aériens) et les soins médicaux. Les loyers des résidences principales et les loyers équivalents des propriétaires ont enregistré leurs plus faibles hausses mensuelles depuis juillet et avril 2021, respectivement. L’inflation PCE sous-jacente de juillet, indicateur privilégié par la Fed, a confirmé cette tendance avec une hausse de 0,2 % sur un mois et de 2,5 % sur un an. La récente hausse de l’inflation des prix à la production doit être surveillée. La Fed devrait réduire ses taux pour la première fois en septembre, suivie d’autres baisses l’année prochaine et en 2026.
Dans la Zone Euro, l’inflation globale est descendue à 2,5 % tandis que l’inflation sous-jacente est restée inchangée. La désinflation dans les secteurs de l’énergie et des aliments a été le principal facteur à l’appui. L’inflation globale devrait atteindre 2 % au troisième trimestre. Le maintien de la rigidité dans les secteurs les plus sensibles aux salaires, comme les services, pourrait quelque peu retarder la désinflation de l’indice de référence. La tendance désinflationniste reste en place et continue de suggérer de nouvelles baisses de taux de la BCE. Nous prévoyons 2 autres baisses de taux cette année et 3 l’année prochaine.
Problèmes de soutenabilité de la dette des deux côtés de l'Atlantique
Les pressions liées à l'augmentation de la dette publique en Europe
Le déficit budgétaire moyen des gouvernements européens est passé de 3,4 % en 2022 à 3,5 % du PIB en 2023, tandis que le ratio moyen de la dette publique au PIB est passé de 83,4 % à 81,7 %.
Des niveaux d'endettement élevés peuvent limiter la capacité d’un pays à réagir aux chocs économiques et le rendre plus vulnérable à une crise future. La Commission européenne a lancé une procédure de déficit excessif (PDE) à l'encontre de 7 pays, dont la France, l'Italie et la Belgique pour non-respect du Pacte de stabilité et de croissance.
Cette procédure intervient à un moment où la France pourrait être confrontée à une paralysie politique, aucun parti n'ayant recueilli assez de voix pour former un gouvernement majoritaire.
Selon nous, il n’y a pas d’inquiétude pour plusieurs raisons.
La première est que l'incertitude politique en France est déjà intégrée dans les cours. L’écart de rendement de l’OAT avec le Bund 10 ans s'est écarté et se stabilise autour de 65-70 pb. La deuxième est qu’avec un taux d'intérêt nominal moyen de 2,1 % et une inflation ciblée à 2 %, le taux d'intérêt réel au sein de la Zone Euro est d'environ 0 %. C'est bien moins que la croissance potentielle estimée à environ 0,8 %.
Enfin, la BCE a développé plusieurs outils pour faire face aux crises, que ce soit au sein d'un pays spécifique ou de l'ensemble de la zone. Ces outils incluent : I) la « forward guidance » (indication sur l’orientation future de la politique monétaire) ; II) achats d’actifs obligataires dans les pays en difficulté, soit par la flexibilité du portefeuille en cas de pandémie, soit par le nouvel Instrument de protection de la transmission (IPT) qui compense un élargissement désordonné des spreads souverains non justifié par les fondamentaux ; et III) le programme d'opérations monétaires sur titres (« Outright Monetary Transactions »), conçu pour sauvegarder la transmission de la politique monétaire et préserver l'euro.
Le poids de la dette souveraine américaine a également fortement augmenté
Malgré la résistance de l'économie, le déficit américain a atteint 5,6 % du PIB en 2024. Les Démocrates et les Républicains ne semblent pas disposés à s'attaquer au problème.
Le Bureau du budget du Congrès (CBO) estime que ce déficit passera à 6,1 % en 2025 avant de ralentir à 5,2 % en 2027 et 2028, ce qui reste élevé.
Le ratio dette fédérale/PIB américain devrait atteindre 123 % en 2024 et augmenter à nouveau à 134 % en 2029 selon le FMI.
Le plafond de la dette (le gouvernement ne peut pas émettre de nouvelle dette pour financer ses dépenses courantes une fois que l’encours de la dette atteint un montant absolu spécifié) sera rétabli au début du mois de janvier 2025, ce qui déclenchera des négociations politiques de dernière minute et une volatilité des marchés.
Mais, contrairement à d'autres pays, les États-Unis peuvent avoir d'importants déficits dans la mesure où ils contrôlent la devise de réserve mondiale et où leur PIB réel potentiel (2,2 %) est supérieur au coût réel moyen actuel de la dette (0,9 %).
Ces déficits peuvent perdurer tant que le Trésor américain émet de nouvelles dettes et que les investisseurs restent acheteurs. Un manque d'appétit augmenterait la prime de risque et pourrait entraîner une hausse des rendements obligataires, ce qui augmenterait le coût du service de la dette. Selon nous, il n'y a pas de risque de stress à court ou moyen terme. Le seul risque est que des niveaux d'endettement élevés et des coûts de services plus élevés finissent par réduire la croissance économique potentielle, le gouvernement fédéral étant contraint de réduire ses dépenses.
Après une forte hausse, les marchés actions ont atteint un point haut
Les États-Unis et le Japon les plus performants
Au cours des sept premiers mois de 2024, les actions internationales ont enregistré de solides performances. L'Euro STOXX 50 a progressé de 10 % depuis le début de l'année, tandis que le S&P 500 de 15 %, bénéficiant de son exposition aux méga-caps technologiques.
D’autres régions ont signé des performances plus impressionnantes : Taïwan (+23 %) en dollars et la Turquie (+43 %) en euros.
D’un point de vue statistique, depuis 1990, à chaque fois que le S&P 500 a performé de 10 % ou plus sur le premier semestre, il a enregistré une moyenne de 11 % supplémentaires sur le second semestre de la même année.
Compte tenu de la liquidité macroéconomique toujours solide, des conditions financières toujours souples et de la baisse des taux d'intérêt à court et long terme, l'environnement devrait être positif pour les actions mondiales jusqu'à la fin de l'année.
Mais, attention à une hausse de la volatilité
Cela ne signifie pas pour autant que tout sera sans heurts pour les marchés d’actions. D'un point de vue saisonnier, la volatilité (mesurée par l'indice VIX aux États-Unis et l'indice VSTOXX en Europe) devrait s’accroître de juillet à la fin de l'année. À l’approche des élections présidentielles américaines (en novembre), les investisseurs doivent se préparer à des eaux plus agitées. Il est également probable que nous assisterons à un changement de leadership du marché après la récente dynamique de marché concentrée autour des méga-caps technologiques vers d’autres secteurs et régions. Cette rotation a peut-être déjà commencé.
Europe, Value, Mid/Small pour rattraper le retard ?
Nous entrons dans des cycles de baisse des taux des banques centrales en Europe, en Amérique du Nord et en Chine, alors que les taux d'inflation sont orientés vers 2 % voire en-dessous. Nous attendons de la Fed qu'elle amorce sa première baisse en septembre, tandis que les banques centrales européenne et chinoise (BCE et PBOC) devraient continuer leur mouvement au cours des prochains mois.
Lors des précédents cycles de baisse des taux d'intérêt depuis 1973, année où un « atterrissage en douceur » de l'économie a été atteint (c'est-à-dire sans récession), les marchés d’actions ont enregistré une hausse au cours des 3 mois qui ont suivi la première baisse des taux de la Réserve fédérale américaine. Parmi les secteurs qui ont généralement surperformé figurent la finance, la santé et les biens de consommation cycliques.
Regardez également les petites et moyennes capitalisations américaines et européennes afin de bénéficier d'une dynamique haussière plus solide pour la fin d’année. Les premières ont largement sous-performé les méga-caps américaines depuis mai tandis que les deuxièmes, incluant le Royaume-Uni, ont enregistré des performances solides. Depuis le début de l'année, l'indice britannique FTSE 250 mid cap a progressé de 11 % en livre sterling ou de +13 % en euro. L'indice MSCI Europe Small cap a enregistré une performance de 8 % depuis le début de l'année, moins soutenue que la hausse de 10 % de l'indice Euro STOXX 50, mais témoignant d'une dynamique impressionnante de « rattrapage » depuis mi-avril, avant la baisse des taux de la BCE en juin.
Conclusion : conserver une allocation positive aux actions mondiales, mais s'attendre à une rotation sectorielle et régionale des méga-caps américaines vers les petites et moyennes capitalisations. Nous privilégions les secteurs de la finance et de la santé, ainsi que le monde hors États-Unis à travers des valeurs fortement décotées.
Pourquoi les petites choses comptent
La grande rotation
Début juillet, l'indice Russell 2000 a atteint des plus bas historiques par rapport au Nasdaq et sur 23 ans par rapport au S&P 500. Depuis 20 ans, le marché américain n’a jamais été aussi concentré avec moins de 20 % des valeurs surperformant l'indice. Les données de CFTC (Commodity Futures Trading Commission) ont montré que les gérants d'actifs n'avaient jamais été aussi vendeurs de l'indice Russell 2000 par rapport au S&P 500. Les investisseurs ne voyaient guère de raisons de détenir des actions de petites capitalisations. Ce point de vue a été modifié par un indice des prix à la consommation (IPC) étonnamment faible et l'espoir de nouvelles baisses des taux de la Fed. La rotation a également été alimentée par les projections sur le résultat des élections américaines, la politique prônée par Donald Trump étant généralement perçue comme favorable aux petites et moyennes entreprises.
Au cours de la semaine du 9 juillet, le Russell 2000 a surperformé le Nasdaq de 12 % (la plus forte sur 1 semaine depuis l'éclatement de la bulle technologique de 2000) et le S&P 500 de 10 % (la plus forte sur une semaine depuis le krach boursier du lundi noir en 1987). Durant cette période, l’amplitude du marché a également augmenté, 76 % des valeurs ayant surperformé l'indice. Le principal déterminant de cette évolution a été les flux des investisseurs particuliers. Au cours de cette semaine, plus de 1,3 milliard d'USD ont été placés dans le plus grand ETF (IWM) suivant le Russell 2000, un autre record.
Le positionnement des courtiers a été un autre facteur positif. Ces derniers et les hedge funds étaient à découvert de 10 à 20 % du volume moyen quotidien de l’ETF Russell 2000, le marché ayant pris l'initiative de cette rotation. Ces acteurs ont été contraints de s’exposer à hauteur de 9 milliards d'USD à l'indice Russell 2000 sur une seule semaine suite à la hausse de l’indice.
Les petites capitalisations devraient profiter de facteurs favorables
Comme prévu, l'inflation continue de ralentir aux États-Unis, permettant à la Fed d’amorcer sa baisse de taux en septembre. Ce mouvement est favorable aux petites capitalisations car 30 % de la dette des sociétés du Russell 2000 se compose d’emprunts à taux variable. La baisse des taux aura donc un impact positif sur les estimations de bénéfices. Historiquement, les actions tendent à bien se comporter lorsque les prévisions de bénéfices par action (BPA) sont révisées à la hausse.
La récente surperformance des valeurs cycliques par rapport aux valeurs défensives suggère que le marché anticipe un soutien à la croissance. La surprise à la hausse des ventes au détail du mois de juin dans les principales régions peut être considérée comme un bon exemple.
La probabilité accrue d'une victoire des Républicains à la fois au Congrès et à la Maison Blanche est aussi un facteur favorable. En 2016, les petites capitalisations ont surperformé grâce à la politique de Trump « America First » axée sur le marché intérieur. Ce biais domestique rend les petites capitalisations moins vulnérables à la hausse des droits de douane.
Les bénéfices des petites et moyennes capitalisations devraient augmenter, tandis que les marchés anticipent un ralentissement de la croissance des méga-caps américaines. Il convient de garder à l'esprit que les inquiétudes liées à la perspective d'un « surinvestissement » dans l'IA, en particulier parmi les « hyperscalers » (comme Amazon Web Services, Microsoft Azure et Google Cloud Platform), ont récemment été mis en avant. Le resserrement des spreads de croissance des bénéfices devrait peser sur la performance future des méga-caps, tout en soutenant les petites et moyennes capitalisations. Nous continuons à privilégier une exposition hors méga-caps américaines via des indices équipondérés S&P 500 ou des indices small/mid cap.
Élections américaines : le cycle économique est au centre de l'attention, pas seulement la politique
Priorité à la politique
En vue des prochaines élections américaines, il faut se focaliser sur l’économie et non sur la politique. Jusqu'à présent, les marchés se comportent normalement, les actions américaines progressant de +15 % (au 22 juillet) soit plus que les précédentes années électorales.
Normalement, le marché est en pause et peut légèrement baisser à partir de septembre (données de 1932 à 2020), juste avant les élections de novembre, les investisseurs réduisant leur exposition aux actions. Après les élections, le marché rebondit en moyenne au dernier trimestre de l'année quel que soit le candidat ou le parti vainqueur.
La composition du Congrès sera déterminante pour les futurs changements apportés à la fiscalité et aux mesures de relance budgétaire.
Une victoire écrasante de M. Trump au Congrès pourrait entraîner une hausse du marché d’actions à court terme, un dollar plus fort et des rendements plus élevés en raison de la reconduction des réductions d'impôts existantes, de possibles nouveaux avantages fiscaux, d'une déréglementation et des droits de douane supplémentaires notamment. Historiquement, le dollar s'est apprécié de 5 % et le marché d’actions s'est apprécié de 7 % après l'élection « surprise » de Donald Trump en 2016.
Parmi les segments susceptibles de bénéficier d'une déréglementation figurent le pétrolier, le gazier et le secteur bancaire. Toutefois, nous nous trouvons aujourd'hui dans un cycle d'inflation et de taux d'intérêt très différent par rapport à 2016. Le président Trump est connu. Par conséquent, s'il est donné favori, sa politique pourrait être déjà incluse dans les cours bien avant les élections. L'histoire ne se répète pas, mais elle rime souvent.
Si M. Trump est élu avec un Congrès divisé, l’impact sur les marchés sera plus limité. De nouvelles baisses d'impôts seraient peu probables.
Il pourrait y avoir des réductions d’impôts prolongées pour certains groupes ainsi qu’une diminution de la déréglementation. Les droits de douane n’ont pas besoin d’être approuvés par le Congrès et M. Trump a mentionné une augmentation générale des droits de douane de 10 % et jusqu’à 60 % pour la Chine. Il serait difficile de mettre en œuvre des droits de douane immédiats de 60 % sur les produits chinois compte tenu de l’inflation potentielle plus élevée qui pourrait s’ensuivre, mais il est très probable que davantage de barrières commerciales se multiplient. Cela pourrait se traduire par un dollar légèrement plus fort et des rendements obligataires plus élevés, mais peu d’impact sur les marchés boursiers.
Pour les démocrates, la clé sera de savoir combien de temps il faudra pour sélectionner un candidat démocrate. Kamala Harris est la grande favorite et, compte tenu d’une série de soutiens précoces, elle est susceptible d’être choisie.
Candidat démocrate : implications à long terme
Actuellement vice-présidente, Kamala Harris a de fortes chances de devenir candidate du Parti Démocrate à la présidence. Elle a reçu 200 M USD de levées de fonds depuis l'annonce de sa candidature et obtenu des soutiens d’acteurs de premier plan. L’attention va maintenant se porter sur son choix de colistier à la vice-présidence, qui pourrait être un candidat d’un État pivot attrayant pour les électeurs indépendants. D’un point de vue politique, on peut s’attendre à ce qu’elle soit une Biden 2.0 (c’est-à-dire peu de changement par rapport à la politique gouvernementale actuelle). Nous attendons des engagements politiques clés, et certaines évolutions du fait de sa position de numéro deux de l’administration Biden. Elle bénéficie d’un électorat plus jeune et une poche d’électeurs démocrates plus large. Les sondages montrent la fin du « pic Trump » suite à la tentative d’assassinat, et il reste beaucoup de temps jusqu’en novembre.
Dans le cas où Kamala Harris remporte la présidence, l’administration démocrate est plus susceptible de faire face à un Congrès divisé, car les républicains ont actuellement une probabilité plus élevée de prendre le Sénat que les démocrates de sécuriser la Chambre des représentants. Un Congrès divisé aurait un impact assez neutre sur les actions, les obligations et le dollar américain.
Il existe un autre scénario dans lequel Kamala Harris gagne et les démocrates balaient le Congrès. Ce résultat pourrait conduire à une baisse modérée à court terme des actions. Ce mouvement serait dû au fait que les réductions d’impôts de Trump ne seraient pas étendues à l’ensemble des ménages, sauf peut-être aux personnes à faible revenu, et au fait qu’il y aurait peu de déréglementations à venir.
De plus, les Démocrates pourraient également mettre en œuvre davantage de politiques budgétaires, ce qui pourrait stimuler l'économie et, par conséquent, le dollar et les rendements obligataires en réduisant le nombre de hausses de taux attendues. Les répercussions seraient positives pour le secteur de l’énergie propre et les sociétés exposées à l'IRA (Inflation Reduction Act) et aux relocalisations.
Il reste encore du temps avant les élections américaines, avec de nombreux scénarios possibles et même d’autres candidats possibles. Les investisseurs ont récemment anticipé une probabilité de 70 % de victoire de Donald Trump. Cela semble exagéré. Les taux d’intérêt et les cycles économiques aux États-Unis et dans le monde sont normalement plus importants que le cycle politique à long terme.
A cet égard, il est important de garder à l'esprit que les marchés d’actions sont toujours orientés à la hausse sur le long terme.
À seulement trois reprises depuis 1929, le marché boursier a décliné sur l'ensemble du mandat d'une présidence. Ces baisses sont en grande partie dues au cycle économique (1. Grande Dépression, 2. Embargo sur le pétrole arabe, et 3. Grande crise financière). Par conséquent, à ce stade, nous ne recommandons pas d’apporter de changement majeur à l’allocation d’actifs sur la base de scénarios purement politiques.
Le troisième plenum en Chine
Principaux enseignements du troisième plénum
La troisième réunion plénière de quatre jours de la Chine, qui a généralement lieu deux fois par décennie, s’est achevée le jeudi 18 juillet et a montré un haut degré de continuité politique. Historiquement, le troisième plénum se concentre principalement sur les objectifs à moyen et long terme plutôt que sur les problèmes à court terme. Sans surprise, la réunion de cette fois-ci était une réunion axée sur la réforme du Comité central du Parti communiste chinois et a donné lieu à un communiqué riche en engagements, mais peu précis.
Les thèmes clés ont porté sur l’approfondissement des réformes et la poursuite de la modernisation à la chinoise, alors que le pays vise à établir un système économique de marché socialiste de haut niveau d’ici 2035. Parmi les objectifs spécifiques figurent le rôle plus important donné aux mécanismes de marché, la création d’un environnement plus juste et plus dynamique, l’ouverture au reste du monde et l’élargissement de la coopération internationale par le biais d’une réforme du commerce extérieur et des investissements. Le gouvernement continue de présenter une vision solide à long terme dans laquelle, sans surprise, l’innovation, le développement durable et la consommation sont des clés de modernisation et des relais de croissance.
Ces politiques seront déployées successivement, bien que le président Xi Jinping et son équipe aient promis d’achever certaines réformes d’ici 2029, lorsque la République populaire de Chine marquera le 80e anniversaire de sa fondation. Il est crucial que les politiques spécifiques sur la manière d’atteindre ces objectifs soient plus importantes pour convaincre les marchés.
Le CPC (Parti Communiste Chinois) s'est engagé à atteindre ses objectifs économiques à court terme
La réunion a commencé le 15 juillet, après la publication de chiffres de croissance du PIB inférieurs aux prévisions. La croissance du PIB réel a ralenti à 4,7 % interannuel au T2, soit un niveau inférieur de 0,4 % aux prévisions du marché. Ces statistiques remettent en cause l'objectif officiel de croissance du PIB de 5 % pour l'ensemble de l'année 2024. La croissance du secteur industriel est restée solide, en partie à cause de la hausse des exportations, mais le frein à la croissance est venu principalement du secteur des services, qui a ralenti à 4,2 % au T2 à cause du ralentissement de la demande intérieure et de la sous-performance du secteur immobilier.
Les données du PIB ont suscité une demande de mesures de relance supplémentaires, en particulier pour le secteur immobilier et la consommation. Peut-être en raison du paysage intérieur et extérieur de plus en plus troublé, le parti a discuté au cours de la réunion de la réalisation de l’objectif de croissance de 5 % pour cette année et de la mise en œuvre de politiques économiques qui soutiennent la demande intérieure. Cela laisse espérer d’autres mesures de soutien à court terme. Néanmoins les discussions laissent entrevoir une approche lente et réfléchie de la relance économique. Compte tenu de la faiblesse récente des données économiques, le marché attendra plus de détails sur ces sujets importants.
La Banque Populaire de Chine joue le même refrain
À l’issue de la troisième séance plénière, la Banque populaire de Chine (PBoC) a annoncé lundi 22 juillet une baisse de 10 pb du taux de prise en pension à 7 jours (de 1,8 % à 1,7 %). En outre, les taux préférentiels des prêts à 1 an et à 5 ans ont été réduits de 10 pb (LPR à 1 an contre 3,45 % ; LPR à 5 ans contre 3,95 % contre 3,95 %). La banque centrale a reconnu que l’économie était confrontée à une demande insuffisante et à de faibles attentes du marché, et s’est donc engagée à adopter des outils contracycliques pour stimuler la confiance intérieure.
Bien qu’inattendue, la décision de la PBoC de réduire son taux directeur était conforme à la forte détermination des décideurs politiques à atteindre l’objectif de croissance de 5 % présenté par le troisième plénum. Nous pensons que la PBoC devrait s’en tenir à un rythme régulier et progressif de baisses de taux d’intérêt. La conviction croissante que la Fed va s’engager dans un cycle d’assouplissement en septembre offre à la PBoC une plus grande marge de manœuvre pour réduire les taux plus tôt.
Perspectives
Les responsables devront peut-être repenser leur politique monétaire à court terme pour atteindre l'objectif de croissance annuelle de 5 %. En particulier, une révision budgétaire pourrait s'avérer nécessaire pour maintenir le rythme des dépenses dans un contexte de baisse continue des recettes des collectivités locales.
La dernière réunion du Politburo à la fin du mois de juillet a offert peu de nouvelles mesures de relance, mais les orientations politiques pour le deuxième semestre ont confirmé une position favorable à la croissance. Le Politburo a mis l’accent sur l’augmentation de la consommation, bien que le rythme et le calendrier des mesures restent incertains. L’objectif d’une croissance du PIB de 5 % a de nouveau été réitéré, de sorte que le fait de tomber en dessous de ce rythme au T3 pourrait entraîner de nouvelles mesures de relance au T4 (comme un autre quota CGB de 1 milliard de RMB).
Cet article a été réalisé par Edmund Shing, Global Chief Investment Officer pour notre réseau international BNP Paribas Wealth Management.