Alors que l’année 2021 touche à sa fin, les investisseurs ont de nombreuses raisons de s’inquiéter. Les multiples discussions portant sur un scénario de stagflation témoignent de l’incertitude qui entoure la conjoncture macroéconomique et les perspectives des politiques monétaires. En outre, les valorisations sur les marchés cotés restent élevées, en grande partie en raison des mesures de relance sans précédent prises pour protéger les économies des conséquences de la pandémie. Pour les investisseurs en quête de rendements plus élevés, les options semblent se raréfier.
La dette privée peut constituer une alternative intéressante. Les flux d’investissement ne cessent d’augmenter vers ce segment autrefois considéré comme une niche et le volume de dette privée devrait augmenter de 11,4 % par an. Le total des actifs sera proche de 1 500 milliards de dollars d’ici la fin 2025, contre 848 milliards de dollars fin 20201. Pourquoi la dette privée devient-elle soudainement une classe d’actifs à part entière et les investisseurs doivent-ils envisager de s’y exposer ?
Une solution d’investissement innovante apparue après la crise financière mondiale
« Dette privée » est un terme générique couvrant la fourniture ou l’acquisition de dettes d’entreprises ou de projets qui ne sont pas accessibles via les marchés cotés. Il s’agissait auparavant de la chasse gardée des banques, mais le renforcement des réglementations bancaires dans le sillage de la crise financière mondiale a incité de nombreux établissements à quitter ce marché, ouvrant ainsi la porte à une multitude de prêteurs non bancaires.
Alors que les classes d’actifs traditionnelles offrent des rendements très faibles (obligations) ou affichent des valorisations historiquement élevées (actions), la dette privée a démontré sa capacité à offrir des flux de revenus stables, à renforcer la diversification et à limiter les pertes sur le long terme. De plus, les actifs de dette privée offrent généralement des taux d’intérêt variables et non fixes. Autrement dit, les investisseurs s’exposent essentiellement au risque de crédit plutôt qu’au risque de taux d’intérêt, ce qui peut offrir un niveau de protection raisonnable dans un environnement de hausse des taux.
Néanmoins, la dette privée est globalement moins liquide que les actifs conventionnels. La notion d’investissement à long terme est donc ici essentielle et impose aux investisseurs potentiels d’adopter un horizon plus long.
Un réel potentiel de diversification
Compte tenu de la mondialisation des capitaux, les marchés cotés n’offrent plus le même niveau de diversification qu’auparavant. La dette privée, quant à elle, couvre un nombre varié d’industries et de secteurs, notamment les actifs réels, comme les projets d’infrastructure et l’immobilier.
En outre, après la pandémie, les entreprises chercheront probablement davantage à se financer sur le marché privé en raison de la dissipation des mesures de soutien des pouvoirs publics, ce qui créera toute une série de nouvelles opportunités qui devraient perdurer pendant un certain temps.
Notamment :
Les entreprises appartenant à des secteurs durement touchés par l’interruption de l’activité à l’échelle mondiale et dont les modèles économiques devront être revus après la pandémie, comme l’aviation.
Les entreprises appartenant à des secteurs mis à rude épreuve, mais qui évoluent sur des marchés dont les fondamentaux sont solides et qui devraient nettement rebondir une fois les économies rouvertes et les restrictions levées.
Les entreprises appartenant à des secteurs qui ont fait preuve de résistance tout au long de la crise ou qui en ont même bénéficié, comme la santé, les technologies de l’information et les télécommunications.
Investir dans toute la structure du capital
Dans le domaine de la dette privée, la diversification ne se limite pas aux secteurs et aux zones géographiques. Des opportunités existent également sur l’ensemble du spectre risque/rendement.
Sur le segment des prêts (loans), il faut vérifier quelle partie de la structure du capital présente le ratio risque/rendement le plus intéressant. Par exemple, pour la dette d’entreprise ou d’infrastructure, rien ne sert de se concentrer uniquement sur les titres de dette senior. La dette junior offre en effet souvent des rendements attractifs pour un niveau de risque qui peut être intéressant dans une optique de valeur relative.
Rester ouvert aux différentes strates de la structure du capital peut présenter des opportunités variées, mais il n’en reste pas moins essentiel d’assurer une due diligence rigoureuse, en se concentrant sur le risque spécifique des entreprises, ainsi que sur la solidité des bilans.
Un contexte de risque qui ne cesse d’évoluer
Bien que le gisement d’opportunités de la dette privée s’élargisse, il faut absolument faire preuve de discernement. On attribue souvent le statut de « valeur refuge » à la dette d’infrastructure, mais les perspectives de certains secteurs, comme les aéroports et les transports, restent difficiles.
Le niveau de risque a également augmenté dans des secteurs tels que l’immobilier commercial, dont certains segments ont fortement souffert et se sont sans doute transformés sous l’effet de la pandémie (hôtels et commerces de détail) tandis que d’autres, comme la logistique, ont tiré leur épingle du jeu. En outre, l’environnement actuel de reflation modifie les perspectives de risque et il est important de tenir compte d’un ensemble de risques spécifiques, tels que l’exposition d’une entreprise aux prix des matières premières. Les taux de défaut sont restés à des niveaux historiquement bas ces dix dernières années, mais compte tenu de la dégradation de la conjoncture économique, il est devenu essentiel de surveiller certains indicateurs comme l’effet de levier d’un emprunteur, ses perspectives de croissance et sa rentabilité.
Comme pour tout investissement, il est primordial de faire appel à des investisseurs expérimentés capables d’identifier les meilleurs emprunteurs et de maintenir le risque de crédit à un niveau gérable.
Savoir identifier les risques liés à la durabilité
Face à des exigences réglementaires qui se renforcent et à l’intérêt croissant des investisseurs pour l’investissement responsable, la durabilité peut et doit être prise en compte dans la dette privée.
Qu’il s’agisse d’une entreprise, d’un bien immobilier ou d’un projet d’infrastructure avec une durée de vie de plusieurs décennies, les facteurs de durabilité auront un impact sur la capacité de l’emprunteur à rembourser sa dette. Par conséquent, il se doit d’avoir un profil et une stratégie ESG crédibles, deux critères qui sont au cœur de l’évaluation de tout emprunteur.
Il est également possible de mesurer la contribution environnementale nette d’un projet ou d’une stratégie d’entreprise et de la comparer à celle d’un univers plus vaste, afin de déterminer si l’impact global sera positif ou négatif. Les émissions de CO2 et l’alignement sur l’Accord de Paris peuvent également être des facteurs à prendre en compte pour évaluer la qualité d’une opportunité d’investissement, sans compter qu’ils peuvent mettre en évidence des investissements inadéquats.
La sélectivité s’impose : toutes les opportunités ne se valent pas
Le développement de la dette privée est peut-être passé largement inaperçu, mais la quête de rendement dans un environnement économique de plus en plus incertain et instable devrait inciter un nombre croissant d’investisseurs à se tourner vers ce segment pour obtenir des rendements attractifs et résilients sur le long terme.
La pandémie a entraîné une augmentation du nombre d’entreprises solides sollicitant des prêteurs non bancaires pour les aider à surmonter des difficultés tant temporaires que structurelles. L’éventail des opportunités devrait donc s’élargir pour répondre à la hausse de la demande. Il reste néanmoins essentiel d’identifier les meilleurs emprunteurs et de maintenir le risque de crédit à un niveau gérable.
Source : BNP Paribas Asset Management