La hausse de l’inflation et la perspective de politiques monétaires plus restrictives font trembler les marchés. Les conseils de Nicolas Otton, directeur de BNP Paribas Banque Privée.
L’inquiétude est montée d’un cran chez les épargnants. Finies, pour un moment, sans doute, les miraculeuses performances de ces deux dernières années en Bourse: la guerre en Ukraine laisse planer l’ombre d’un conflit global, la croissance mondiale ralentit sur fond de durcissement des restrictions sanitaires en Chine - certains annoncent déjà une récession - et, pire que tout, l’inflation s’installe à des niveaux record: en mars, les prix à la consommation ont grimpé de 8,5 % sur les douze derniers mois aux États-Unis et de 7,5 % en Europe (+ 4,5 % en France).
Un rythme totalement inédit depuis quarante ans: il sonne le glas des politiques monétaires accommodantes des Banques centrales qui ne manqueront pas, dans les mois à venir, de remonter leurs taux directeurs pour limiter la surchauffe (d’ores et déjà, la Fed a engagé le mouvement, prenant le risque de faire chuter les marchés). La période de l’argent facile et pas cher inondant les économies comme les marchés financiers est révolue. La fin d'une époque.
Un pic d'inflation ?
Un vrai cauchemar pour les épargnants qui pourraient voir le rendement de leurs placements, déjà amoindri (le CAC 40 a baissé de 14% depuis le début de l'année), fondre comme neige au soleil sous l'effet de la hausse des prix et de la morosité qui semble gagner les marchés financiers. D'autant que le nombre d'épargnants ont, ces dernières années, fait le choix, sous la pression de leur assureur ou de leur banquier, de diversifier leur épargne en exposant davantage celle-ci au risque : c'était le seul moyen d'espérer davantage de rendement, alors que les fonds en euros des contrats d'assurance-vie, placement chéri des Français, ne rapportent pas plus de 1% aujourd'hui... soit un rendement réel négatif si l'on tient compte de la hausse des prix. Idem pour le Livret A, dont la rémunération a été portée à 1%.
"Nombre de nos clients s'interrogent sur la stratégie à adopter, confie Nicolas Otton, directeur de BNP Paribas Banque Privée. Nous pensons cependant que l'inflation a probablement atteint son plus haut niveau. Celle-ci reste élevée, mais devrait commencer à baisser prochainement."
Autre motif d'espoir chez cet expert de la gestion de fortune haut de gamme : "Les résultats des entreprises sont plutôt bons et leurs dirigeants gardent le moral même s'ils sont confrontés à des difficultés significatives en matière d'approvisionnement, à l'augmentation du coût des matières premières et à des pénuries de main-d'œuvre." Pas question, donc, de se laisser gagner par le pessimisme ambiant : "Les niveaux d'épargne sont globalement plus importants que lors des précédentes crises, les entreprises ont des bilans solides, l'emploi en Europe comme aux Etats-Unis a atteint un niveau très élevé, rappelle Nicolas Otton. Divers plans de relance annoncés restent encore à engager : ils auront des effets bénéfiques sur la croissance des pays concernés, tout comme les investissements significatifs que les entreprises vont devoir faire, au nom de la transition énergétique. Pour toutes ces raisons, nous pensons que la croissance de l'économie mondiale va se poursuivre."
Dans ce contexte chahuté, le patron de BNP Paribas Banque Privée préconise malgré tout une certaine prudence. Pas question de céder à la panique et de vendre ses actions d'un coup mais plutôt de diversifier son portefeuille en misant sur les valeurs de rendement les moins volatiles et les plus défensives (secteur financier, agroalimentaire...), ou sur les price makers, ces entreprises qui ont la capacité de répercuter les hausses de coûts sur leurs prix de vente (matières premières, luxe...). Autre recommandation : miser sur l'or, valeur refuge par excellence, via les ETF, qui suivent le cours du marché. Et ne pas négliger l'immobilier, notamment l'immobilier commercial, plutôt sous-valorisé jusqu'à présent. "Le rendement demeurera attractif, les loyers progressant avec l'inflation", détaille Nicolas Otton, qui préconise d'investir dans la pierre via un support collectif comme les SCPI. L'intérêt ? "La diversification. Dans le contexte actuel, elle est plus que jamais essentielle."
Le Figaro Magazine - 13 mai 2022