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Accord commercial entre l'UE et les États-Unis : dégâts limités avec succès

Isabelle Mateos y Lago
Cheffe économiste du groupe BNP Paribas et directrice des Études Économiques
Publié le 11 août 2025 - Mis à jour le 11 août 2025
Temps de lecture : 6 minutes

Les présidents Trump et von der Leyen ont annoncé hier depuis l'Écosse qu'un accord commercial avait été conclu. Est-ce un bon accord ? La plupart des commentateurs politiques et de nombreux éditorialistes répondaient ce matin par la négative. Mais les marchés boursiers applaudissent. Notre avis : on ne pouvait raisonnablement espérer meilleur accord. En particulier, il élimine le risque d'une escalade de la guerre commerciale entre les deux plus grandes puissances commerciales mondiales et crée un environnement plus prévisible pour les entreprises des deux côtés de l'Atlantique.

Les commentateurs parlent de capitulation, voire de défaite pure et simple. C'est une erreur d’interprétation de la situation. L'accord négocié par l'UE offre de meilleures conditions (voir encadré) que tous ceux négociés jusqu'à présent par les pays ayant un excédent commercial avec les États-Unis. Il a permis de limiter les dommages économiques plutôt que de les aggraver. Il n'a concédé par ailleurs, rien qui ne puisse être contrebalancé par la poursuite des améliorations en cours des politiques économiques de l’UE et de ses États membres. Compte tenu du déséquilibre créé par la dépendance continue de l'UE à l'égard du « parapluie de sécurité américain », la Commission n’a rien à se faire pardonner.

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Même si la Commission européenne l’avait initialement envisagée comme telle, en réalité, il ne s'agissait pas d'une négociation commerciale classique dans laquelle les parties cherchent à développer leurs échanges commerciaux grâce à une réduction équilibrée des barrières commerciales. Il s'agissait plutôt d'un exercice visant à résister à la coercition juridique et à limiter les dommages économiques, dans un contexte où les États-Unis avaient unilatéralement pris la décision de politique économique souveraine de remplacer des recettes fiscales nationales par des taxes sur les importations.

N'oublions pas que le président Trump avait lancé les négociations en affirmant que la TVA de l'UE était un droit de douane devant être supprimé ou considérablement réduit et que ses réglementations technologiques et ses taxes sur les services numériques étaient également inacceptables. De même pour un grand nombre de réglementations phytosanitaires et autres mesures de sécurité des produits, qui constituent, selon les États-Unis, de puissantes barrières non tarifaires. L'UE est restée ferme et n'a fait aucune concession dans ces domaines.

Pour ce qui est des dommages économiques, la plupart des modèles évaluant l'impact des droits de douane américains montrent clairement, d’une part, que l'impact négatif le plus important (en particulier à court terme), provient de l'incertitude, et, d’autre part, que la croissance du PIB (des deux parties) est plus négativement affectée en cas de représailles. S'engager dans un bras de fer prolongé aurait été triplement préjudiciable à l'économie de l'UE :

- en prolongeant l'incertitude ;

- en conduisant à un niveau encore plus élevé de droits de douane pendant la poursuite des négociations. Cela aurait désavantagé l'Europe par rapport aux autres exportateurs vers les États-Unis, l’exposant à perdre des parts dans un marché probablement en contraction ;

- en augmentant le coût des biens et services que l'UE importe des États-Unis, lesquels auraient été soumis à des droits de douane en cas d'impasse — renforçant ainsi potentiellement la position des “faucons” au sein du Conseil des gouverneurs de la BCE — au lieu de lui permettre d'adopter une position plus favorable.

Bien qu'il ne s'agisse pas d'une négociation commerciale classique visant à réduire les barrières commerciales, l'UE a tout de même obtenu des réductions tarifaires « zéro pour zéro » dans une liste significative de secteurs (les avions et leurs composants figurent parmi les principaux biens échangés entre les États-Unis et l'UE). Aucun accord commercial conclu à ce jour avec l’administration Trump ne contient de dispositions similaires à cette échelle.

La conclusion de cet accord permet à tous les agents économiques de l'UE d'aller de l'avant, assurés de savoir qu'une guerre commerciale plus large (qui aurait pu s'étendre aux services) a été évitée. Elle permet également aux décideurs politiques de l'UE de se recentrer pleinement sur le programme de réformes internes (tant nationales qu'intra-européennes) qui sera beaucoup plus important que l’augmentation des tarifs américains pour la croissance de l'UE à moyen et long terme.

Certes, l'accord constitue un choc négatif par rapport au niveau des droits de douane en vigueur au début de l'année (le taux effectif des droits de douane ayant été multiplié par 10 environ), mais les exportations vers les États-Unis représentant moins de 3 % du PIB de l'UE, ce choc sera gérable. À noter également que le plafond de 15 % sur les droits de douane sectoriels protège de dégâts considérables les quelques économies très exposées aux secteurs soumis à des droits de douane spécifiques « section 232 » dont le niveau ultime pour les autres exportateurs pourrait être beaucoup plus élevé (voir graphique). Enfin, cette issue va stimuler encore davantage les efforts de l'UE pour négocier des accords commerciaux avec de nouveaux partenaires, ce qui profitera à l'économie de l'UE à moyen et long terme.

Exportations vers les États-Unis

*HS 854149+854150+854151+854153+8542

Les références ci-dessus correspondent aux codes du Système harmonisé gérés par l'Organisation mondiale des douanes.

Termes clé (basés sur les annonces du 27 juillet)

Notre expert
Isabelle Mateos y Lago
Cheffe économiste du groupe BNP Paribas et directrice des Études Économiques
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