Le régime matrimonial de séparation de biens peut s’avérer pénalisant pour certains conjoints. La solution ? Y adjoindre une poche communautaire.
En principe, il n’existe aucune communauté de biens dans le régime matrimonial de séparation de biens. Chacun des deux époux est seul propriétaire de ses revenus et de son patrimoine. Voilà pourquoi, cette forme d’union maritale est privilégiée par les couples dont l’un des membres est commerçant, entrepreneur ou profession libérale. Car il permet de protéger l’autre des risques financiers liés à une telle activité professionnelle. Le régime séparatiste place, en effet, le patrimoine d’un(e) époux(se) hors de portée des créanciers de l’autre (sous réserve de ne pas avoir apporté de garantie lors de la souscription d’une dette par son conjoint). Une éventuelle faillite de l’époux(se) entrepreneur n’impactera donc pas l’autre. Reste que ce régime pêche par une contrepartie douloureuse pour l’époux(se) ne disposant pas d’une fortune personnelle ou n’exerçant pas une activité professionnelle très rémunératrice, puisque celui-ci ou celle-ci ne bénéficie aucunement de l’enrichissement du patrimoine de son conjoint. Une situation pénalisante qui se matérialisera lors de la dissolution du régime par décès ou divorce.
La séparation de biens pénalise le conjoint sans activité professionnelle ni fortune personnelle
Les avantages conciliés de deux régimes matrimoniaux
Bien sûr, le couple peut acquérir des biens en indivision. Mais cela suppose une participation financière de chacun des deux à hauteur de sa quote-part dans l’indivision. Enfreindre ce principe est déconseillé car ce contournement est porteur de germes de litige et déconvenue future, en cas de succession ou de divorce. L’adoption d’une clause de société d’acquêts dans un contrat de mariage constitue une solution sûre et efficace pour compenser – au moins en partie – la sévérité du régime séparatiste pour le conjoint le moins bien loti. Il s’agit d’y introduire une poche communautaire, permettant de se doter d’un statut hybride conciliant les avantages des régimes séparatiste et communautaire !
Une grande liberté de manœuvre
« La société d’acquêts est une communauté dont les contours sont dessinés par la seule volonté des époux qui ont donc la latitude pour créer un outil sur-mesure », précise Céline Cymer-Mannucci, ingénieure patrimoniale chez BNP Paribas Banque Privée. Ils définissent librement son contenu, pouvant choisir de mettre en commun tout ou partie de leurs revenus, tel ou tel bien (y compris éventuellement un acquis en indi- vision avant le mariage).
Plus d'autonomie pour le conjoint survivant
La clause peut porter sur des biens présents et/ou à venir. La résidence principale et son mobilier y occupent habituellement une place de choix. En cas de décès de l'époux propriétaire de la résidence principale, son survivant est privé de sa faculté d'opter pour l’usufruit sur la succession, en présence d'enfants non issus du couple. Il se retrouve alors en indivision avec ces derniers. Pour éviter cet écueil, il est par exemple possible de prévoir l’inclusion de ce bien dans la société d'acquêts avec clause d'attribution intégrale au survivant – en propriété ou en usufruit – couplée à une renonciation à l'action en retranchement des enfants.
A ne pas confondre avec la participation aux acquêts
« La société d’acquêts ne doit pas être confondue avec le régime matrimonial de participation aux acquêts qui est d’une grande complexité liquidative et qui vient d’ailleurs de faire l’objet de précisions jurisprudentielles qui pourraient le rendre souvent inadapté lorsque le souhait est d’avoir un traitement différencié entre l’outil professionnel et le reste du patrimoine » relève Céline Cymer-Mannucci. La Cour de cassation, dans un arrêt du 18 décembre 2019, vient de porter un coup sévère à l’intérêt du régime de participation aux acquêts pour isoler le patrimoine professionnel du patrimoine commun en décidant que la clause d’exclusion des biens professionnels du calcul de la créance de participation qui a vocation à rétablir l’équilibre ne s’applique pas en cas de divorce. La société d’acquêts mérite d’autant plus d’être reconsidérée.
Un effet fiscal positif
Lors de la liquidation du régime matrimonial au décès de l’un des époux, 50 %* seulement de l’actif de la société d’acquêts sera dévolu à la succession. L’autre moitié reste, en effet, dans le patrimoine propre du survivant. Les enfants hériteront donc des biens logés dans la poche communautaire en deux fois, l’autre moitié leur revenant au second décès parental. Cela a pour effet de doubler les abattements sur les droits de succession au bénéfice des enfants héritiers.
*Ou une autre part en cas de disposition spécifique dans la clause de société d’acquêts prévoyant une autre répartition
Article extrait de la lettre de gestion de fortune n°27 du mois de juillet 2020