Le donateur d’un bien peut en conserver l’usufruit et prévoir qu’à son décès ce droit sera reversé à une autre personne. Maître Jérôme Terrier, notaire associé chez Michelez Notaires, nous livre son éclairage.
Dans quel cadre intervient une réversion d’usufruit ?
Elle intervient lors de la transmission d’un bien en démembrement de propriété, souvent par voie de donation. Le schéma consiste à donner la nue-propriété de ce bien et à en conserver l’usufruit. S’il s’agit d’un immeuble, l'usufruitier a le droit de l’occuper ou de le louer pour en percevoir les loyers. Les droits de donation sont calculés sur la valeur de la seule nue- propriété, selon l’âge de l’usufruitier au jour de la donation. au décès de celui-ci, l’usufruit s'éteint sans aucune taxation permettant au donataire de devenir plein propriétaire du bien. Le donateur a la possibilité de prévoir des usufruits successifs. fréquemment, un parent donne la nue-propriété d’un immeuble à ses enfants en en conservant l'usufruit, et pré- voit qu’à son décès cet usufruit sera transmis à son conjoint. ainsi, les enfants ne deviendront pleins propriétaires du bien qu’au décès du second parent usufruitier. au moment de la réversion de l’usufruit au second bénéficiaire, le ou les nu(s)-propriétaire(s) peuvent avoir intérêt à solliciter de l’administration fiscale une révision du montant des droits acquittés lors de la donation de la nue-propriété.
Dans quel cas ?
Si le second usufruitier, au jour de l'ouverture de son usufruit, est moins âgé que le premier ne l’était lors de la donation, le nu-propriétaire peut demander la restitution du trop-perçu des droits payés au jour de la donation. exemple : un homme de 65 ans donne la nue- propriété d’une résidence secondaire à ses enfants, en stipulant une réversion de l’usufruit au profit de son épouse, plus jeune de 15 ans. Lors de la donation, la nue-propriété est égale à 60 % de la valeur du bien eu égard à l’âge du père usufruitier. S’il décède 10 ans après, l’usufruit reversé à sa veuve, alors âgée de 60 ans, serait égal à 50 % de la valeur du bien. Dès lors, les enfants nus-propriétaires pourraient demander à l’administration de recalculer les droits sur cette nouvelle valeur, inférieure à l’initiale, et de leur restituer le trop-perçu. Si lors de la donation, ils ont bénéficié de l’abattement de 100 000 euros (en ligne directe, par parent et par enfant) qui se renouvelle tous les 15 ans, la révision peut conduire à revoir à la baisse la part de l’abattement consommée lors de la donation.
Que retenir d’une récente réponse du garde des Sceaux à une question parlementaire concernant cette possible restitution partielle ?
Cette réponse(1) impose aux nus-propriétaires une nouvelle condition pour bénéficier d’une restitution. elle ne serait ouverte qu'aux seuls nus-propriétaires (donataires) ayant acquitté les droits lors de la donation. ainsi, s’ils ont été réglés par le donateur, les nus-propriétaires seraient privés de tout droit à restitution. Cependant, cette prise en charge pourra s’avérer intéressante, car elle ne sera pas fiscalement appréhendée comme une donation supplémentaire. Au cas par cas, il faudra donc regarder si le paiement des droits devra être pris en charge par le donataire ou par le donateur.
(1) réponse ministérielle n° 26892, Jo de l’assemblée nationale du 2 juin 2020, p. 3863
Article extrait de la lettre Gestion de fortune n°28 du mois d'octobre 2020