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L’investissement durable doit-il se faire au détriment de la performance ?

Publié le 24 Juin 2021 - Mis à jour le 26 Janvier 2022
Edmund Shing
Global Chief Investment Officer at BNP Paribas Wealth Management

Ce que vous devez savoir

  1. L'investissement responsable n’est pas un « OU », mais un « ET » : choisir d’investir de manière responsable entraîne-t-il une baisse de la performance des investissements ? Les preuves disent que non : vous pouvez choisir une stratégie d’investissement durable et responsable et surperformer des indices de référence non durables.
  2. Les indices relatifs à l’ISR, à l’ESG, au bas carbone et aux énergies propres ont surperformé au cours des 5 dernières années : depuis 2016, les indices généraux ISR/ESG, ainsi que les indices plus spécifiques bas carbone/énergies propres, ont tous surperformé les indices de référence mondiaux et européens, dans une mesure plus ou moins importante.
  3. Les indices d’investissement responsable et durable ont également accusé des baisses moins marquées lors des épisodes de correction : lors des phases de correction de 2011, 2016 et 2018, les indices ISR ont signé un recul moindre par rapport aux indices de référence mondiaux et européens correspondants.
  4. Si vous achetez une exposition ESG/ISR, vous achetez de la qualité : selon l’institut EDHEC Risk, la surperformance de l’ESG s’explique en majeure partie par un biais factoriel en faveur de la qualité. Selon nous, il s’agit là d’un élément positif, dans la mesure où le facteur qualité a permis de générer d’excellentes performances à long terme, tout en présentant un risque baissier inférieur à celui des indices de référence.
  5. Réduire l’exposition au risque de perte extrême : la mise en œuvre d’améliorations dans le domaine environnemental, social et de la gouvernance réduit le risque de perte extrême pour les investisseurs, notamment le risque lié aux actifs « inutilisables » dans les combustibles fossiles et les risques de gouvernance d’entreprise liés à la fraude et au manque de contrôle des risques, réduisant ainsi les risques idiosyncratiques.

Vous pouvez investir de manière durable sans sacrifier la performance

Si j’investis de manière durable, mes investissements vont-ils sous-performer ? C’est la question à 1 million de dollars que de nombreux clients nous posent lorsque nous abordons l’investissement durable, via les fonds gérés ou les ETF indiciels passifs. Ils s’inquiètent, à juste titre, du fait que le choix d’investir de manière durable n’implique pas une performance d’investissement moindre.

Un examen de la performance de plusieurs méthodologies d’investissement durable en actions, dans la mesure où il s’agit de la forme d’investissement durable la plus utilisée, nous permet de répondre : NON.

En effet, au cours des cinq dernières années environ, une kyrielle d’indices d’actions durables a en réalité surperformé les indices d’actions classiques non durables tels que le STOXX Europe ou le MSCI World.

Non seulement une meilleure performance moyenne, mais également un risque plus faible : sur la période courant depuis janvier 2016 (dont les données sont certes limitées, mais il s’agit de la période au cours de laquelle l’investissement durable a été développé), cette meilleure performance a été réalisée avec des pertes maximales moins importantes par rapport aux indices de référence. Sur la base des données de fin de mois, l’indice MSCI World a enregistré une baisse maximale de 21 % par rapport à son plus haut entre 2016 et juin 2021 (à fin mars 2020, lors du début de la crise de la COVID-19).

À titre de comparaison, l’indice MSCI World SRI a cédé 18 % à mars 2020, le MSCI World ESG Leaders Select 20 % et le MSCI World Low Carbon SRI Leaders 19 %.

Ainsi, les trois indices d’investissement durable ont enregistré une meilleure performance globale depuis 2016, ce assorti à un risque de baisse moins élevé lors de la correction boursière du début de l’année 2020 par rapport à l’indice de référence MSCI World. Une comparaison des indices durables européens par rapport à l’indice de référence STOXX Europe nous amène à la même conclusion : une meilleure performance moyenne, réalisée avec un risque de baisse légèrement inférieur.

Cette surperformance découle-t-elle réellement de meilleurs scores en matière de durabilité ?

La durabilité ou la qualité est-elle le véritable facteur de surperformance ? Les partisans de l’approche ESG affirment qu’il n’y a pas que des avantages moraux à investir en fonction d’objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance : les fonds ESG surperforment également leurs comparables. Mais ces surperformances pourraient en réalité provenir d’une autre source, d’après un article de Scientific Beta paru en avril 2021 intitulé « Honey I shrunk the ESG alpha ».”.

L’article a montré que 75 % de la surperformance des stratégies ESG citées dans des études universitaires populaires sur le sujet était due à leur exposition à des facteurs de qualité, qui sont machinalement construits à partir d’informations provenant des bilans (à l’instar de la faiblesse de la dette nette). En effet, l’indice MSCI World SRI tend bel et bien à surperformer l’indice de référence MSCI World, conjointement à l’indice factoriel MSCI World Quality, mettant ainsi en évidence la conclusion de l’institut EDHEC Risk.

Les investisseurs axés sur la durabilité sont encore gagnants : cela ne devrait pas avoir d’importance pour les investisseurs à long terme, dans la mesure où la conclusion finale reste la même. Le fait que les fonds ESG/ISR diversifiés présentent un puissant biais factoriel en faveur de la qualité ne fait que la confirmer. Ces stratégies continuent de générer une surperformance à long terme, avec un risque baissier inférieur à celui des indices actions de référence, comme pour les stratégies factorielles de qualité.

Pour le client final, c’est toujours une bonne nouvelle. Les performances ajustées du risque, d’un point de vue purement financier,  sont meilleures que celles des expositions aux indices actions classiques. En outre, investir dans les fonds ESG/ISR peut également générer d’autres avantages, comme la couverture du risque climatique, l’alignement des investissements sur la position éthique des clients et l’impact positif sur la société.

Une surperformance également alimentée par les flux de capitaux ?  Nous devrions également tenir compte de l’argument selon lequel la surperformance des fonds ESG et ISR au cours des dernières années est simplement due à un biais de « popularité » accru, la collecte sans cesse croissante dans ces fonds durables alimentant les investissements vers les entreprises les plus représentées.

Cela porte à croire que la tendance de la surperformance ESG/ISR est temporaire et liée aux flux de capitaux, par opposition à quelconque facteur fondamental. Il est indéniable que la durabilité est un style d’investissement qui gagne en popularité ces dernières années, et que cela a probablement eu un certain impact sur les valeurs qui sont surreprésentées en termes relatifs dans ces indices.

Des objectifs différents, des données différentes, des résultats différents : toutefois, il convient également de ne pas oublier que les fonds ESG/ISR et les fonds plus ciblés sur les énergies propres/la transition énergétique présentent des méthodologies d’investissement et des stratégies de pondération des entreprises très différentes. Ils utilisent souvent différentes sources de données sous-jacentes relatives à la durabilité, qui peuvent aboutir à des scores ESG différents pour les mêmes entreprises.

Les investisseurs qui cherchent à remplacer une exposition de leur portefeuille à des actions traditionnelles non durables, à l’échelle mondiale ou européenne, par un fonds d’actions durables diversifié devraient plutôt se tourner vers les fonds et les ETF qui ont pour indice de référence des indices ESG généraux, à l’instar des indices ESG Leaders, ESG Select ou SRI. Les investisseurs à la recherche d’une croissance plus agressive et qui cherchent à investir une plus petite partie de leur portefeuille dans un thème clé de la durabilité peuvent quant à eux envisager un fonds dédié aux énergies propres ou à la transition énergétique.

Amélioration de la performance des entreprises et baisse du coût du capital

L’application de critères ESG à ses investissements implique une restriction de l’univers d’investissement mondial. Il est donc important de comprendre quels mécanismes, dans un univers restreint, peuvent expliquer pourquoi le risque/rendement n’est pas affecté négativement. Un mécanisme clé largement abordé dans la recherche ESG se rapporte au coût du capital et à l’efficacité de l’entreprise à son niveau. Clark, Feiner et Viehs (2015)1 ont mis ce sujet en exergue. Le rapport révèle que « 90 % des études trouvent une relation qui suggère un effet réduit des pratiques supérieures en matière de durabilité sur le coût du capital », les principaux moteurs étant « de bonnes structures de gouvernance d’entreprise, des mesures anti-OPA, une bonne gestion de l’environnement, de bonnes relations avec les salariés et la sécurité des produits ». Comme nous l’avons précédemment mentionné, la « popularité » croissante des investissements durables devrait également soutenir la demande en actions et obligations d’entreprises ayant une notation ESG élevée et faire baisser encore le coût du capital.

Un autre mécanisme essentiel examiné dans le rapport concerne la performance opérationnelle Les études montrent que les trois facteurs ESG jouent un rôle positif. En ce qui concerne la gouvernance, « les questions telles que la structure du conseil d’administration, la rémunération des dirigeants, les mécanismes anti-OPA et les mesures incitatives sont considérées comme étant les plus importantes ». Pour ce qui est des questions environnementales, « les pratiques de gestion de l’environnement des entreprises, la réduction de la pollution et l’efficacité des ressources sont considérées comme les plus importantes pour la performance opérationnelle ».”.

1 Clark, Feiner et Viehs (2015), « From the stockholder to the shareholder: How sustainability can drive financial performance », Université d’Oxford et Arabesque Partners.

L’approche ESG devrait permettre de réduire les risques de perte extrême

Si les entreprises négligent les questions liées à l’ESG, elles sont exposées à des risques plus élevés, tels que les accidents environnementaux (E), le risque d’atteinte à la réputation lié aux conditions de travail ou à l’inégalité entre les sexes (S) et les risques liés à la gouvernance d’entreprise, tels que la fraude, les régimes de rémunération inadaptés et l’absence de contrôle des risques (G). Lee et faff (2009)2 constatent que « les entreprises les plus performantes sur le plan social présentent un risque idiosyncratique nettement inférieur et que celui-ci pourrait être intégré par l’ensemble du marché actions ». Ilhan, Emirhan, Zacharias Sautner et Grigory Vilkov (2019)3 montrent que « le coût de la protection des options contre les risques baissiers est plus élevé pour les entreprises dont les modèles économiques sont plus intenses en carbone ». Cela laisse entendre que l’on perçoit d’importants risques de perte extrême (événements à faible probabilité, mais souvent avec des conséquences énormes) pour certaines entreprises. Par exemple, la décision du gouvernement allemand de sortir du nucléaire après la catastrophe de Fukushima a eu un impact négatif majeur sur les groupes de services aux collectivités (voir graphique). Le Rapport de 2019 sur la stabilité financière dans le monde publié par le FMI souligne que « les expositions au risque environnemental peuvent entraîner d’importantes pertes pour les entreprises, et que le changement climatique peut entraîner des pertes pour les institutions financières, les propriétaires d’actifs et les entreprises ». L’intégration des facteurs ESG dans les modèles économiques des entreprises peut contribuer à atténuer ces risques. Outre les problématiques environnementales, les risques d’atteinte à la réputation peuvent avoir des effets négatifs durables sur la valorisation d’une entreprise, voire sa défaillance, dans des cas extrêmes. Les nouvelles négatives entourant les conditions de travail, les inégalités entre les sexes ainsi que les questions de gouvernance, comme la conformité et le contrôle des risques, en constituent des exemples typiques.

2 « Corporate sustainability performance and idiosyncratic risk: À global perspective », The financial review, Vol. 44, N°2.

Choisir une exposition globale ESG/ISR ou une thématique ciblée

Remplacer l’exposition générale des portefeuilles d’actions ou rechercher une exposition thématique spécifique pour la croissance ? Le choix entre une exposition ESG/ISR plus généralisée et donc diversifiée, d’une part, ou une exposition thématique spécifique à un sous-thème de la durabilité, d’autre part, dépend des objectifs d’investissement.

Les investisseurs souhaitant simplement remplacer l’exposition générale d’un portefeuille d’actions par une exposition aux actions durables devraient opter pour des fonds diversifiés ou des ETF répliquant un indice de référence ESG/ISR global. Toutefois, les investisseurs cherchant à cibler un sous-thème spécifique de la durabilité pour une petite partie de leur exposition globale aux actions afin de générer une croissance plus élevée peuvent quant à eux se tourner vers des fonds/ETF thématiques spécifiques dans des thèmes tels que l’avenir de l’alimentation, l’eau, la transition énergétique ou la diversité et l’inclusion.

Un risque accru dans certains fonds thématiques : compte tenu de la concentration plus importante sur un thème spécifique et du nombre réduit d’actions, les fonds thématiques spécifiques tendent naturellement à afficher des indicateurs de risque plus élevés que les fonds ESG plus diversifiés.

Risque élevé et rendement fort dans les fonds dédiés aux énergies propres, au crédit carbone et aux véhicules électriques/à batteries : les fonds axés sur les énergies propres/la transition énergétique, le crédit carbone et les véhicules électriques et à batteries sont tous fortement corrélés au secteur technologique, et plus généralement au style d’investissement de type croissance. C’est d’ailleurs ce dont témoigne la forte corrélation entre l’indice Wilderhill Clean Energy et l’ETF d’innovation ARK depuis 2019.

Une surperformance plus stable ces derniers temps pour les fonds axés sur l’avenir de l’alimentation, l’eau et la diversité et l’inclusion : ces trois indices thématiques de la durabilité enregistrent des performances plus stables depuis la mi-2020, surperformant tous l’indice MSCI World ESG Leaders dans des proportions variables, mais restant tous fortement corrélés à cet indice boursier général, avec des niveaux de volatilité similaires. Ce n’est guère surprenant, dans la mesure où la composition de chacun de ces indices thématiques inclut une forte proportion de titres issus de secteurs plus défensifs tels que l’alimentation et les boissons et les services aux collectivités.

Biais sectoriel dans les indices de durabilité :
-positions vendeuses dans les technologies et les communications et l’énergie ;
-positions acheteuses sur les valeurs financières et dans les biens de consommation

Des pondérations sectorielles parfois très divergentes : si vous investissez dans un indice thématique spécifique, à l’instar d’indices relatifs aux énergies propres ou à l’avenir de l’alimentation, attendez-vous à des biais sectoriels importants en termes de pondérations des fonds, car c’est, après tout, une partie du jeu thématique.

Mais, ce qui est moins évident, c’est la variance des pondérations sectorielles des indices de référence ESG/ISR les plus généralisés par rapport à un indice de référence actions plus traditionnel comme le MSCI World.

Les indices ESG Enhanced et Low Carbon varient moins par rapport au MSCI World : si vous recherchez un indice de référence relatif à la durabilité assez proche des pondérations sectorielles du MSCI World, il est préférable d’opter pour un fonds qui réplique soit le MSCI World ESG Enhanced, soit le MSCI World Low Carbon.

Ces deux indices durables présentent des pondérations sectorielles larges qui restent relativement proches de celles de l’indice MSCI World, en particulier pour les secteurs les plus importants comme les technologies de l’information, la finance et la santé. 

Les indices relatifs à l’ISR et à la diversité et à l’inclusion varient considérablement : en revanche, les indices MSCI World SRI et Refinitiv Inclusion & Diversity se démarquent nettement du MSCI World en termes de pondérations sectorielles.

Ces deux indices durables sont plus fortement pondérés dans les secteurs de la finance, de la santé et des biens de consommation que l’indice MSCI World.

En revanche, ils sont moins exposés aux secteurs des technologies de l’information, des communications (médias et télécommunications) et de l’énergie que l’indice MSCI World.

Ainsi, avant d’investir dans des fonds qui utilisent l’un ou l’autre de ces indices de référence, il convient de prendre conscience que la performance de ces fonds durables peut sensiblement diverger de celle des actions mondiales dans leur ensemble, simplement en raison de ces biais sectoriels. 

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