Chaque début de mois, BNP Paribas Exane revient sur les temps forts qui ont marqué l'actualité macro-économique du mois précédent.
Résumé du mois
1-L’année 2023 avait démarré en trombe, alimentée par un scénario «Goldilocks » face à une détente de l’inflation, au maintien de la croissance économique et à l’espoir d’un revirement monétaire. Du côté des banques centrales, le message semblait plus constructif début février à l’image des perspectives d’inflation « plus équilibrées » citées par la BCE et au « processus de désinflation qui a débuté » selon Powell. Ainsi, si le souvenir de « l’inflation transitoire » alimente le scepticisme du marché, les données brutes semblent maintenant guider les prises de décision des investisseurs. Alors que les données sur l’activité économique et la consommation continuent de tenir des deux côtés de l’Atlantique, les chiffres d’inflation ressortent quant à eux plus élevés.
2-Ces divergences se reflètent par ailleurs dans la plus forte décorrélation entre les marchés obligataires (forte inversion de la courbe des taux entre le 10 ans et le 2 ans US) et les marchés actions. En Europe, le rendement sur le 10 ans allemand est en hausse de +36.5bps sur le mois de février tandis que le Stoxx 600 parvient à grimper de 1.74% sur le mois (+8.52% YTD). Aux US, le réveil est tardif mais reflète davantage les tensions sur l’obligataire depuis la seconde partie du mois avec une baisse de 2.62% du S&P500 (+3.4% YTD) et une hausse de 44bps sur le 10 ans US. En parallèle, les futures sur les Fed Funds intègrent maintenant 3 nouvelles hausses de taux de 25bps aux réunions de mars, mai et juin avec un taux terminal de 5,40% à horizon juillet 2023 et 5,29% pour décembre 2023. La résilience du marché face à ces données économiques en demi-teintes semble ainsi être alimentée par la possibilité d’un « No Landing Scenario » où la Fed pourrait accepter une inflation structurellement plus élevée de 3-4%. Selon une étude publiée par la Fed de Cleveland, le taux de chômage devrait être porté à 7.5% pour ramener l’inflation à 2% tandis que les Fed Funds devraient probablement atteindre 6%... Par ailleurs, la baisse tant attendue du dollar via le retour en force des actions émergentes a du plomb dans l’aile, alors que les chiffres d’inflation core PCE, au-dessus des attentes, ont soutenu le billet vert, au plus haut depuis le début de l’année (indice BBG DXY à +2.5% depuis le début du mois).
3-Il faut dire que la saison de résultats n’a pas été mauvaise… et que la situation n’est pas aussi alarmante que l’on ne le craignait. Alors que plus de 83% des entreprises du STOXX 600 et 94% des participants du S&P 500 ont déjà publié, les révisions positives ont rebondi. En termes de révisions positives de BPA par secteur (lissées sur 3 mois) :
Aux US, les Services aux consommateurs (+7%) et les Médias (+5%) arrivent en tête de liste tandis que l’Automobile (-12%), l’Energie (-7%) et les Semis (-7%) ont connu les révisions négatives les plus importantes.
En Europe, les secteurs des Voyages/Loisirs (+9%) et des Banques (+9%) font figure de leaders, tandis que les Matières premières (~7%) ont fait face aux plus fortes révisions négatives.
4-Ces révisions sont à opposer aux performances sectorielles depuis le début du mois, plus favorables aux Cycliques aux US notamment avec le secteur Auto (+13.4%), boosté par la forte performance de Tesla (+18.8%) et les Semis (+4.0%), soutenus par Nvidia (+18.8%) sur fond d’accélération du déploiement de l’IA via ChatGPT. En bas de tableau, on retrouve le secteur de l’Energie (-7.6%) impacté par la faible performance des Parapétrolières, dont les annonces de hausses de capex inquiètent, ainsi que les Telcos (-6.8%), plombées par les résultats décevants de Lumen (-35.2%).
En Europe, on note la performance du secteur Autos (+6.5%) soutenu par les bons résultats sur le trimestre notamment ceux de Stellantis (+15.2%), Faurecia (+14.2%) et Renault (+14.0%) tandis que les perspectives de remontée des taux continue d’alimenter la hausse des valeurs Bancaires (+6.0%). A l’inverse, les Matières premières (-6.2%) connaissent la plus forte baisse en raison de certains manqués sur le trimestre sur différents minerais et aux mauvaises nouvelles d’Anglo (-16.8%) sur son projet de potasse (dépréciation + hausse des capex) tandis que l’on assiste à des prises de bénéfices sur le secteur Immobilier (-2.1%).
-Au niveau du BPA du Stoxx 600 2022, le consensus a encore légèrement révisé en hausse ses estimations passant de 17.8% à 18%. Pour 2023, la croissance attendue est passée de 1.8% à 2.0% et atteint 7.3% en 2024.
-Aux US, le BPA du S&P500 2022 est révisé à la hausse, passant de 7.4% à 10.7% en 2022, contrairement au BPA 2023 qui passe de 1.8% à 0.3% puis qui est attendu à 11.8% en 2024.
Quelques news macro :
Aux Etats-Unis, la Fed a relevé de 25bps son taux d’intérêt directeur, le portant désormais à 4.50-4.75%. Lors cette annonce, Jerome Powell a évoqué un « début de processus désinflationniste », nourrissant l’espoir d’un pivot de politique monétaire proche. Cependant, ces déclarations se sont heurtées à la publication d’une série de statistiques montrant un regain inattendu de croissance et d’inflation sur le mois de janvier. Le CPI est ressorti à +6.4% en g.a, soit une baisse marginale de -0.1pp par rapport au mois précédent, tiré par des hausses de prix dans de nombreuses catégories de biens (vêtements, ameublement, etc.) et de services (transports, loisirs, etc.). Le déflateur des dépenses de consommation – jugé plus pertinent par la Fed pour ajuster sa politique monétaire – est également ressorti au-dessus du consensus tant pour le chiffre agrégé (+5.4% en g.a soit +0.4pp de hausse mensuelle) que la partie sous-jacente (+4.7% en g.a soit +0.3pp de hausse mensuelle). En parallèle, les créations d’emploi ont été bien plus fortes qu’attendu (517k), de même que les ventes de détail (+3.0% m/m). Enfin, l’enquête S&P PMI de février a rebondi notamment sur la partie services (+5.5 à 50.5). Par conséquent, les marchés ont revu en hausse leur pricing du pic du taux Fed Funds cette année, de +50bp à 5.4%.
En zone euro, la Commission Européenne a revu en hausse de sa prévision de croissance pour 2023 à +0.9% sur fond de baisse des prix de l’énergie et d’une demande résiliente. La réunion de la Banque centrale européenne a débouché sans surprise sur une hausse de +50bps du taux de dépôt, désormais à +2.50%, accompagnée d’une annonce d’un mouvement similaire lors de la réunion de mars. Au-delà, les décisions de politique monétaire seront data-dependent. Les tendances d’inflation ne plaident pas encore pour l’arrêt du resserrement, l’inflation de janvier décélérant à +8.6% (y/y), mais l’indice sous-jacent atteignant son record historique depuis la création de l’Union économique et monétaire (+5.3% y/y). Les PMI de février ont surpris positivement avec les performances notables de l’indice composite (52.3, +2.0) et services (53.0, +2.2), toutefois tempérées par une déception sur la partie manufacturière en recul à 48.5 (-0.8). Notons enfin au niveau national une diminution de -0.4% q/q du PIB allemand au T4 2022 induit par une faiblesse de la demande et de l’investissement. Au Royaume-Uni, la BoE a augmenté son taux d’intérêt directeur à 4.0%, ce qui constitue son niveau le plus haut depuis 2008, tandis que l’inflation a observé un troisième mois de ralentissement consécutif à +10.1% g.a. Notons que le royaume a évité la récession avec une croissance nulle au T4 2022. Par ailleurs, les enquêtes PMI se sont révélées particulièrement positives avec des rebonds inattendus des indices composite (+4.5 à 53.0) et services (+4.6 à 53.3) en territoire expansionniste.
En Chine, où l’on attend une reprise dirigée par le secteur des services, l’enquête Caixin PMI de janvier fut décevante au niveau manufacturier (+0.2 à 49.2) mais positive s’agissant des services, qui poursuivent leur ancrage en zone d’expansion à 52.9. Une accélération de l’inflation est par ailleurs observée en janvier, à +2.1% y/y contre +1.8% y/y précédemment, reflétant une appréciation des prix de la nourriture et des services liée à la réouverture.
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