Moins célèbre que Steve Jobs ou Xavier Niel, Roland Moreno n’en reste pas moins l’un des pionniers les plus influents de la technologie moderne. À l’origine de la carte à puce, il a marqué de son empreinte le quotidien de milliards de personnes à travers le monde.
L’exceptionnel prototype de la fameuse carte à puce et plusieurs créations électroniques, ont fait l’objet d’une donation au Musée National d’Art Moderne l’année dernière de la part de sa famille. Une autre partie de la collection de ses créations et des souvenirs de l’histoire de la carte à puce sera vendue aux enchères chez Fauve, le samedi 24 mai.
Retour sur le parcours d'un génie mal connu
Né en 1945, Roland Moreno dépose en mars 1974 le brevet de la carte à puce, une invention qui mettra près de dix ans à s’imposer mais qui changera profondément notre manière d’interagir avec les technologies.
Utilisée dans les cartes bancaires, téléphoniques ou encore la carte Vitale, sa création constitue l’un des socles de l’infrastructure numérique actuelle. Visionnaire, il participe également au développement de la technologie sans contact NFC à travers le standard « Calypso », aujourd’hui utilisée dans les pass Navigo ou les cartes Vélib' à Paris.
À sa disparition en 2012, on estimait à plus de 6 milliards le nombre de cartes à puce en circulation. Pourtant, son nom demeure largement méconnu du grand public. Client de longue date de BNP Paribas, Roland Moreno avait su conjuguer son esprit inventif avec un sens aigu de l’innovation financière. Une collaboration qui témoigne de l’impact concret de ses idées, bien au-delà du monde de la tech. Figure singulière, personnage fantasque et autodidacte génial, Roland Moreno reste un géant discret, dont l’héritage continue de structurer nos vies numériques.

La carte à puce, l’invention française qui a révolutionné les paiements : avant la puce
En 1974, Roland Moréno met au point « un objet portable à mémoire » qui ouvre la voie à la carte de paiement à puce à la fin des années 1970. Plus sécurisée et porteuse de services nouveaux, cette solution est déployée dans toute la France dès 1988, puis commence à s’exporter en 1997. Zoom sur une technologie de pointe qui est devenue un standard international.
De la carte à piste magnétique à la carte à puce
L’histoire de la carte à puce remonte aux années 1950, lorsque certains inventeurs commencent à imaginer un objet portatif électronique permettant d’effectuer des transactions. Mais c’est en 1974 que le rêve devient réalité avec l’invention de Roland Moréno. En effet, depuis 1971, la Carte Bleue (la carte de paiement des grandes banques françaises) est dotée d’une piste magnétique permettant l’utilisation d’un code confidentiel et évitant aux commerçants de devoir transmettre aux banques les bordereaux d’opérations. Un véritable gain de temps lors des transactions.

Et cette évolution technologique coïncide alors avec l’ouverture des premiers distributeurs automatiques de billets (ATM), pour lesquels la carte à piste magnétique a d’abord été conçue, avant de s’appliquer aux terminaux des commerçants. Si les Cartes Bleues sont progressivement équipées de la piste magnétique, ce n’est qu’en 1979 que la piste magnétique devient un standard mondial.
A cette époque, débutent aussi les premières expériences de paiement électronique. Introduite dans le terminal du commerçant, la carte à piste magnétique permet d’interroger en temps réel les ordinateurs de la banque sur l’autorisation de dépense accordée à l’acheteur.
Le système réduit considérablement les risques de fraude ou d’usages abusifs mais s’avère très couteux et lent en raison de l’infrastructure des télécommunications françaises. Dans ce contexte, la carte à mémoire s’impose comme une solution alternative au paiement online. En effet, la possibilité de stocker des données dans la puce rend inutile la liaison permanente avec la banque. Une nouvelle révolution technologique est en marche et un marché prometteur se profile.

La carte à puce, l’invention française qui a révolutionné les paiements : l’adoption
La carte à puce conquiert les banques françaises
Au tournant des années 1970-1980, deux systèmes de paiements sont donc en concurrence : le système fondé sur la piste magnétique et celui sur la carte mémoire. Ainsi, il a fallu quelques années pour que s’impose définitivement la carte à puce. Mais son adoption en France a été favorisée par les contraintes de sécurité des banques françaises et la mise en place en 1984 d’un système national de paiement par carte à puce. La France est ainsi le premier pays au monde à interconnecter tous ses distributeurs, quelle que soit la banque. Plus sûre que la piste magnétique, la carte à puce est déployée dans toute la France à partir de 1988. Lancée pour garantir la sécurité des transactions, cette carte a pleinement répondu aux attentes des banques qui observent une baisse de 9% de la fraude dès 1988.
En 1993, toutes les cartes bancaires émises en France sont équipées d’une puce. Le destin international de la carte à puce prendra un peu plus de temps à se réaliser. La plupart des pays sont restés fidèles à la piste magnétique car le coût de la fraude se révélait inférieur à ceux induits par l’adoption de la carte à mémoire. C’est à l’horizon 2006 que les banques européennes généralisent l’utilisation de la carte à puce.
L'adoption de la carte à puce dans le monde

Sources :
L’invention française qui a révolutionné le paiement - BNP Paribas (1/2)
L’invention française qui a révolutionné le paiement - BNP Paribas (2/2)
Nous remercions Marianne Moreno, fille de l'inventeur, pour les informations et les photos transmises.
Autre article à lire :
Le fabuleux destin de Roland Moreno, l'inventeur de la carte à puce - Pompidou+ - Centre Pompidou