En bref
Nous avons revu à la hausse nos prévisions de croissance mondiale suite au déploiement rapide de la vaccination dans certaines régions du monde et aux importantes mesures de relance budgétaire, en particulier aux États-Unis. Outre le plan de sauvetage américain de 1,9trn$, nous attendons le programme d’infrastructure qui devrait fournir une enveloppe budgétaire supplémentaire de $2,5trn au cours des 10 prochaines années. Cela suggère que la croissance du PIB réel américain pourrait atteindre 6,9 % et 4,7 % en 2021 et 2022 respectivement. Nous prévoyons également que la croissance européenne dépassera les attentes du marché, comblant l'écart avec les Etats-Unis. La croissance britannique devrait dépasser la zone euro tandis que le Japon sera à la traîne. En revanche, nous sommes devenus plus prudents à l'égard de la Chine où la croissance devrait rester élevée mais en baisse en 2022. C'est également le cas dans d’autres économies émergentes.
Nous prévoyons une accélération temporaire de l’inflation et des anticipations inflationnistes. La morosité persistante du marché du travail devrait empêcher une accélération durable de la croissance des salaires. Des forces structurelles telles que la numérisation et la démographie limiteront également les pressions à la hausse. L’inflation américaine devrait atteindre 2,5% cette année, mais revenir à 2,2 % en 2022. En zone euro, nous prévoyons 1,7 % et 1,4 % respectivement. L'inflation britannique devrait progressivement converger vers 2 %. Au Japon, les prix ne devraient pas augmenter et même baisser temporairement. À l'exception de la Chine, la plupart des économies émergentes devraient voir leur taux d'inflation reculer en 2022 après une hausse temporaire cette année.
Etats-Unis : La reflation, la réouverture et la relance budgétaire conduisent à une année de forte croissance.
Aux États-Unis, la relance budgétaire de 1,9trn$ destinée à stimuler la reprise et le plan d'infrastructures « Build Back Better » de 2,5trn$ devraient doper la croissance en 2021 et dans les années à venir. Le plan d'infrastructure ne concerne pas seulement les infrastructures, il vise à aider les minorités, les chômeurs, les handicapés et les personnes âgées. La dotation serait de 621 milliards $ pour les infrastructures de transport, pour développer les infrastructures de véhicules électriques, pour réparer les routes et les ponts. 650 milliards $ seront alloués à la qualité de vie à domicile, pour les personnes qui télé-travaillent, sur les maisons américaines, les bâtiments scolaires, les infrastructures souterraines d'eau et l'expansion des connexions internet haut débit. 400 milliards $ sont destinés aux soignants pour personnes âgées et handicapées. 300 milliards $ sont destinés à la recherche, au développement et à la fabrication. Joe Biden veut relever le taux de l'impôt sur les sociétés à 28 % et porter l'impôt minimum sur les multinationales américaines à 21 % pour payer ces réformes.
Les progrès de la vaccination aux Etats-Unis sont très importants et ont fortement magnifié les perspectives économiques américaines. Plus d'un tiers de la population (36.95 %) a reçu au moins une dose alors que 22 % de la population est totalement vaccinée. Plus de deux tiers des personnes âgées (de plus de 65 ans) ont reçu au moins une dose (78,5 %) tandis que 61 % d'entre elles ont reçu les deux doses. Les progrès sont très encourageants pour l'avenir et nous nous attendons à ce que les États-Unis s’approchent de l'immunité collective d'ici l'été.
Nous prévoyons un pic au T2 et au T3 avec plus de 5,3 millions de nouveaux emplois créés et une hausse temporaire de l'inflation globale à 3 % en glissement annuel. L'essentiel du rebond de l'inflation sera lié à des forces transitoires. Il s'agit principalement d'effets de base, de prix de l'énergie plus élevés et de contraintes liées à la chaîne d'approvisionnement. L'atonie du marché de l'emploi prendra du temps à s'inverser et cela devrait empêcher un désencrage des anticipations inflationnistes.
Nous nous attendons à ce que la Fed reste accommodante en 2021. La Fed a fait part de son intention de ne pas durcir sa politique à court terme et d'attendre une hausse soutenue de l'inflation et une amélioration des marchés du travail avant de resserrer sa politique. Les conditions financières resteraient relativement accommodantes et soutiendraient la reprise. Nous pensons que la Fed commencera à réduire ses achats d'actifs au deuxième semestre 2022 mais ne relèvera pas ses taux avant le deuxième semestre 2023 après quatre trimestres consécutifs d'inflation supérieure à 2 % (l'objectif). Nous avons récemment revu notre objectif à 12 mois des rendements des emprunts d'État américains à 10 ans à 2 % (contre 1,4 %).
Zone euro : La vaccination s'accélère et la reprise complète est en vue
La zone euro est en train de rattraper son retard et nous prévoyons toujours une forte reprise à partir de l'été lorsque l'immunité collective devrait être atteinte. Le PIB devrait retrouver ses niveaux d'avant pandémie au premier trimestre 2022. Toutefois, la crise du Covid-19 devrait laisser des traces au niveau économique, mais moins que ce qui était envisagé précédemment. A court terme, les perspectives ne sont pas très positives dans la mesure où le processus de vaccination a été plus lent que prévu au premier trimestre et où les restrictions sanitaires pourraient durer plus longtemps et pourraient même être prolongées jusqu'à l'été. Au second semestre, nous tablons sur une forte reprise avec une demande contenue, des mesures de relance budgétaire et une BCE très accommodante.
L'inflation devrait augmenter et atteindre temporairement 2 %. Comme ailleurs, les effets de base, la hausse des prix de l'énergie, les perturbations de l'offre et la demande contenue devraient être les principales sources de hausse des prix. Même s'il s'agit de forces temporaires, le retour progressif à la normale créera probablement une situation favorable et des anticipations d'inflation plus élevées. Au vu de la faiblesse structurelle du marché du travail l’inflation devrait retomber en dessous de l'inflation en 2022. Les prévisions pour l'ensemble de l'année sont respectivement de 1,7 % et 1,4 % pour cette année et l'année prochaine.
La BCE restera accommodante pendant un certain temps. Nous nous attendons à ce que la BCE ait complètement épuisé l'enveloppe actuelle de 1,85trn€ du PEPP en mars 2022. Nous pensons qu'après le PEPP, la BCE va assouplir ses achats d'actifs dans le cadre de l'APP (Asset Purchase Programme) pour donner une certaine indication sur le rythme des achats en fonction des perspectives d'inflation, tout en conservant l'option d'augmenter temporairement ses achats afin d'éviter tout resserrement injustifié des conditions monétaires. Nous avons récemment revu notre objectif à 12 mois de rendement des emprunts d'État allemands à 10 ans à 0 % (contre -0,25).
Royaume-Uni : Immunité et reprise économique
Le Royaume-Uni a vacciné près de 50% de sa population avec au moins une dose (48.28%). Le pays a déjà assoupli les restrictions sanitaires au premier trimestre et on peut s'attendre à un retour à une situation plus normale durant l'été. Les conditions sont réunies pour une forte reprise à court terme, soutenue par les mesures de relance budgétaire supplémentaires annoncées dans le budget de mars, ainsi que par un « excès » d'épargne des ménages (environ 6 % du PIB au T3 20 et probablement plus élevé maintenant). Les anticipations de réouverture ont poussé l'enquête d’opinion des entreprises dans les services (PMI) à un niveau élevé (56,8). La croissance économique devrait être très forte, autour de 6%, cette année comme l'année prochaine.
Nous prévoyons que l'inflation britannique atteindra le seuil d'inflation de 2% vers la fin de l'année. L’inflation devrait fortement progresser dans les mois à venir. Selon nous, les risques à court terme sont orientés à la hausse, compte tenu de l'ampleur de la demande contenue. Nous tablons sur 1,4% cette année et 2,1% l'an prochain.
Nous prévoyons que la Banque d'Angleterre réduira ses achats d'actifs au second semestre de cette année et arrêtera ses achats nets d'ici la fin de l'année. Nous pensons également que les nouvelles prévisions devraient permettre à la banque centrale de bénéficier d'une plus grande flexibilité pour durcir sa politique monétaire, que ce soit par le biais de son bilan ou de hausses de taux d'intérêt. Cela dit, même si le prochain mouvement de taux semble devoir être à la hausse, nous pensons que le la banque centrale évoluera prudemment et nous ne pensons pas qu'elle relèvera le taux directeur avant le la deuxième moitié de 2023.
Japon : Reprise mais faible inflation
Nous prévoyons un retour de l'activité aux niveaux d'avant pandémie à la fin de cette année. Mais c'est plus tôt que nous ne l'avions estimé auparavant, grâce à un comportement moins défensif des consommateurs et à des exportations plus solides. Nous pensons qu'il faudra attendre fin 2022 pour que l'économie retrouve le niveau qui prévalait avant la hausse de la taxe à la consommation au 3T19.
Comme ailleurs, les effets de base de cette année devraient donner un coup de pouce temporaire au taux d'inflation les prochains mois. Nous tablons sur 0.5 points de base, principalement en raison de la hausse des prix de l'énergie, mais cela devrait être compensé par une baisse substantielle des tarifs de téléphonie mobile, ce qui laisserait l'inflation en territoire négatif.
Nous envisageons un budget supplémentaire pour l'exercice fiscal 2021 de l'ordre de 2 % du PIB, et ne prévoyons pas de hausse fiscale majeure avant la fin de notre horizon prévisionnel 2021-22. Selon nous, la BoJ ne relèvera pas le taux négatif sauf si le yen s'apprécie fortement. La probabilité que cela se produise semble avoir encore baissé avec la hausse des taux d'intérêt américains.
Marchés émergents : La reprise se ralentit
En Chine, après le solide rebond post Covid, la croissance devrait ralentir à 1,2%-1,5% au cours des prochains trimestres. Nous pensons que les risques pesant sur cette prévision sont équilibrés. Côté bonnes nouvelles, la publication d'une demande de consommation contenue et la résistance des exportations pourraient dépasser les attentes. En revanche, la mise en place de vaccins pourrait décevoir et le contrôle du risque financier pourrait déclencher un resserrement du crédit. Nous tablons sur une croissance économique de 9,2% et 5,3% cette année et l'année prochaine.
La reprise mondiale synchronisée n'a cessé de faire grimper les prix des matières premières et, conjuguée aux risques de perturbation de la chaîne d'approvisionnement, a fait grimper fortement les prix à la production. Bien que cela se reflète en partie dans l'inflation sous-jacente, nous pensons que cet effet devrait être plus que compensé par la baisse des prix du porc. Nous pensons que le taux d’inflation cette année sera inférieur à celui de l'année dernière et inférieur à l'objectif du gouvernement (3%). En tenant compte des prix à la production et des effets de base, la hausse des prix à la consommation pourrait toutefois s'accélérer au-dessus de 3% au T4. Nous prévoyons une hausse des prix à la consommation de 1,8% et 2,8% cette année et l'année prochaine.
Nous anticipons un ralentissement marginal de l'indicateur global du crédit, le financement social ayant progressé d'environ 11% cette année après les 13,3% l'année dernier. Le taux directeur (MLF à 1 an) devrait rester inchangé à 2,95% jusqu'à fin 2022.
Au Brésil, le pays est confronté à la fois à une croissance faible et à une inflation élevée, tandis que la banque centrale a surpris par le calendrier et l'ampleur de son resserrement alors qu'elle tente d'ancrer les anticipations d'inflation. Une deuxième vague forte du Covid-19 a commencé à affecter la mobilité et l'économie, exacerbée par le manque d'approvisionnement en vaccins. Nous prévoyons une contraction de deux trimestres du PIB au Brésil, et une croissance annuelle inférieure au consensus avec 2,5% et 3% respectivement en 2021 et 2022.
Notre projection d'inflation pour cette année et l'année prochaine est de 6,5% et 4%. Selon nous, les anticipations d'inflation risquent de ne plus être ancrées.
La banque centrale devrait poursuivre son cycle de hausses de taux et mener le taux directeur à 5,0 % d'ici septembre puis marquer une pause, reprenant en 2022 pour atteindre 6,5%.
En Russie, le pays restera attaché à une dette faible et à une trajectoire d'excédent. Ceci distingue le pays par rapport à d’autres économies émergentes. Le pays possède des fondamentaux macroéconomiques solides par rapport au reste du monde émergent.
Nous prévoyons un déficit budgétaire primaire de seulement 1,1% du PIB cette année et un excédent en 2022. Le solde sera probablement fonction de l'envolée des revenus du prix du brut plutôt que de la réduction des dépenses. Celle-ci devrait être reportée après les élections législatives de septembre. La consommation intérieure étant limitée, le potentiel de croissance devrait être modeste. Nous tablons sur une croissance du PIB de 4,0% en 2021 avant de ralentir à 3% en 2022. La hausse de l'inflation est l'une des faiblesses de la Russie. Nous avons récemment relevé notre prévision pour 2021 à 5,1% bien au-dessus du consensus. En 2022, elle devrait se stabiliser à 4%. Nous tablons désormais sur une hausse globale du taux directeur de la banque centrale de 100pb en 2021.
En Afrique du Sud, l’économie est vulnérables à des taux d'intérêt mondiaux plus élevés. Toutefois, un certain nombre de facteurs différenciant l'ont distingué par rapport à d’autres économies émergentes. La croissance économique est attendue à 3% et 1,7% cette année et l'année prochaine. L'inflation devrait être de 4% cette année et l'année prochaine. Nous prévoyons désormais la première hausse de 25pb de la part de la banque centrale en janvier 2022.