Que font les nouveaux entrepreneurs français de leur argent ? Le directeur de la banque privée de BNP Paribas nous donne son analyse.
« La France est devenue un pays d’entrepreneurs. Ni la crise du Covid-19 ni le ralentissement conjoncturel actuel n’ont freiné cette tendance de fond. » Nicolas Otton, le patron de la banque privée du groupe BNP Paribas, est sans doute l’un des banquiers les mieux placés pour observer le renouvellement du tissu économique prôné par Emmanuel Macron. Âgé de 50 ans, diplômé de l’université Paris Panthéon-Assas, ce Lillois a fait toute sa carrière au sein de l’établissement financier, occupant plusieurs postes de terrain en contact avec les entreprises. Avec ses équipes, il conseille presque tous les dirigeants des plus belles start-up françaises. Sur un sujet sensible pour eux : leur argent. Cela crée des liens ! La banque privée, dont la mission est de gérer le patrimoine des clients les plus aisés de BNP Paribas (plus de 120 milliards d’euros d’actifs), s’est rapprochée depuis quelques années de ce marché en plein essor. Avec l’idée d’accompagner très tôt les créateurs, de les aider à faire les bons choix patrimoniaux, même si leur fortune est encore en devenir. « Nous avons doublé nos entrées en relation avec des entrepreneurs de moins de 40 ans », se félicite Nicolas Otton. Pour conforter ses positions, il s’apprête à déployer dans toute la France plus de trente conseillers disposant d’une expertise dans le domaine de la création d’entreprise. Ils s’ajouteront aux deux cents déjà en poste. Car le nombre des clients potentiels s’accroît. « Les chiffres de créations de sociétés ne baissent pas, analyse Nicolas Otton ; un million d’entreprises ont été fondées en France en 2022. Leur attrait reste très fort chez les moins de 30 ans comme chez les moins de 40 ans. Une étude montre que 40 % des salariés du secteur privé rêvent de se lancer. »
Qui sont ces nouveaux entrepreneurs ? Sont-ils différents de leurs aînés ? La réponse est oui. « Auparavant, l’entrepreneur créait son affaire, la cédait au moment de sa retraite et entrait ensuite dans une vie consacrée à la gestion de son patrimoine et à la transmission de celui-ci, analyse le banquier. Les jeunes, eux, investissent, désinvestissent, réinvestissent, enchaînent les opérations de cession avec la volonté d’entrer dans le capital d’autres entreprises. Ils restent entrepreneurs tout le temps. Et ça, c’est inédit. » Selon lui, la nouvelle fiscalité sur le capital joue un rôle clé. « L’environnement fiscal français s’est nettement amélioré. Ils développent leur patrimoine avec les plus-values réalisées. »
Ce qui ne les dispense pas de préparer l’avenir. « Ils se rendent compte que les changements s’accélèrent. Ils veulent donc créer un patrimoine qu’ils transmettront. Mais ce ne sera pas forcément une entreprise. » Quand ils ont de l’argent à placer, ils sont à la fois conservateurs et innovants. Ils se tournent d’abord, comme tout le monde, vers l’immobilier. « Tous ont la volonté de sécuriser leur résidence principale et restent attirés par des résidences secondaires », constate Nicolas Otton. Mais ils se distinguent par une approche plus inclusive. « Ils font souvent le choix de placements socialement responsables, note le financier. Et ils agissent dans leur cercle d’amis proches pour lesquels ils deviennent des “business angels” qui apportent leur argent et leur expérience. Il y a un fort esprit communautaire et de partage des connaissances dans la tech française. »
Bémol, la montée des taux d’intérêt les affecte comme le reste de l’économie. Plus cher, l’argent est devenu un peu plus rare. Les levées de fonds sont moins nombreuses en 2023. « Ils font un peu plus attention à ce qu’ils dépensent, constate Nicolas Otton ; l’activité est bien plus dure pour tout le monde : on remarque plus de défaillances de start-up en 2023. » Cela ne devrait toutefois pas les stopper dans leur élan. « Tous ont des ambitions très fortes. En France, il faut vingt ans pour passer de la taille d’une PME à celle une ETI (entreprise de taille intermédiaire), ils veulent raccourcir ce temps. C’est positif pour notre pays. » Pour la banque privée de BNP Paribas aussi.
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Cet article a été réalisé par le média PARIS MATCH (Rémy DESSARTS)
