Cette année la BNP Paribas Banque Privée s'associe avec la foire Art Paris en créant le prix BNP Paribas Banque Privée: un regard sur la scène française. Un jury prestigieux composé de 8 personnalités du monde de l’art et de la culture viendra récompenser le parcours d’un ou d’une artiste, choisi parmi les nominés de la sélection d’Éric de Chassey, commissaire invité d’Art Paris 2024. Ce prix récompensé par une dotation de 30 000 euros sera décerné le mercredi 3 avril 2025, lors de l’inauguration de la foire.
Focus sur 5 artistes nominés pour Le prix "BNP Paribas Banque Privée: un regard sur la scène française" :
Cécile Bart
Dans l’histoire de l’abstraction, l’usage de la géométrie signale le désir de proposer un modèle visuel d’organisation du monde suivant des principes rigides et généralisables. En utilisant depuis 1987 un tissu synthétique translucide (le voile Tergal « plein-jour ») comme support de compositions qui utilisent ce vocabulaire géométrique et qu’elle nomme « peintures/écrans », Cécile Bart allège littéralement cet ordre supérieur, et ce d’autant plus que la trame régulière du tissu rend discontinue, mais d’une façon à peine perceptible, l’application de la couleur, dont les tonalités sont par ailleurs rompues, et inscrit les superpositions qui peuvent en résulter (comme dans la série « Mexicain ») dans un espace visuellement incertain.
En 2022, elle utilise pour la première fois ce support pour tracer les lignes colorées parallèles qui avaient jusque-là existé comme fils de laine ou de coton suspendus dans l’espace ou bien comme traits au crayon directement inscrits sur un mur, créant ses premiers « dessins/écrans », qui peuvent être placés devant une fenêtre et jouer avec le paysage qui s’y découpe ou bien être accrochés sur un mur, et simplement moduler l’espace, sans affirmation autoritaire.
Cécile Bart
Mexicain #14 , 2022
Peinture glycérophtalique sur tergal « plein jour » sur châssis aluminium,
190 x 190 cm
Galerie Catherine Issert
©Camille Besson
Nathalie Du Pasquier
Pendant longtemps, les motifs abstraits, souvent ludiques, de Nathalie Du Pasquier ont trouvé leur terrain d’application dans des objets de design, ceux notamment du groupe Memphis de Milan, auquel elle participa de sa création en 1981 jusqu’à 1986. Ils existent désormais pour eux-mêmes, peints sur des toiles souvent combinées, comme ici, avec des constructions en bois.
Ces motifs, auxquels sont souvent associés des éléments de nature morte ou des suggestions de fragments d’architecture, peuvent apparaître comme des dérivés vernacularisés, comme on en trouve dans les jeux de construction, du grand répertoire de formes géométriques avec lesquels les pionniers de l’abstraction entendaient, au début du xxe siècle, changer le monde. Ils sont surtout les éléments premiers d’une infinie combinatoire, qui fait surgir dans chaque peinture un nouveau monde, à la spatialité complexe, illogique si on les tient pour les représentations géométrisées d’éléments existant dans le monde réel, à partir de surfaces strictement bidimensionnelles dont les couleurs ne sont pas celles de la perfection mais de la nuance, joyeuse ou mélancolique.
Nathalie Du Pasquier
Sans titre 2021,
Huile sur toile et éléments en bois peint
100 x 100 cm (Toile)
120 x 100 cm (Ensemble)
Galerie Yvon Lambert
Photo © Aurélien Mole / Centre des monuments nationaux
Benoit Maire
Comme nombre d’artistes de sa génération, Benoît Maire a été marqué par l’art conceptuel mais il en a très tôt proposé une version passant par la création d’objets, notamment assemblés sur des plateaux et parfois accompagnés de textes qui en explicitent les protocoles d’usage. Depuis une dizaine d’années, il a également ouvert la série des « Peintures de nuages », exécutées avec les moyens traditionnels de la peinture à l’huile sur toile. On se souvient qu’au début de la Renaissance italienne, le nuage était à la fois un élément résistant à la représentation, à cause de son caractère instable, et ce qui pouvait servir de support à la projection de toutes sortes d’images inspirées par des analogies formelles et subjectives.
Dans les tableaux de Maire, il est un élément récurrent et structurant de la composition, qui vient jouer avec des suggestions d’architectures ou de figures animales, arrachées à l’histoire de l’art ou à des textes philosophiques ou littéraires qui ont retenu l’attention de l’artiste. Les variations techniques et iconographiques dont il fait l’objet sont fondées sur son double caractère d’indétermination et de surdétermination, qui a fait écrire à l’artiste que, lorsque « vient le temps de la signification », alors « l’éternité est gâchée. »
Benoît Maire
Vue d’atelier (oeuvres en cours de réalisation), 2024
Galerie Nathalie Obadia, Paris / Bruxelles
Edgar Sarin
Les oeuvres d’Edgar Sarin se caractérisent par leur archaïsme : archaïsme de leurs procédés, archaïsme de leurs formes, archaïsme de leurs références. Il ne faudrait pas penser cependant que cet archaïsme serait un retour à un sol primitif stable, que les évolutions historiques nous auraient fait malencontreusement quitter, comme cela avait pu être le cas pour nombre d’artistes des années 1970, notamment ceux qu’on associa au sein de l’arte povera. Il s’agit plutôt pour lui de partir de gestes simples, volontairement frustes, et d’un ensemble d’images qui peuvent faire culture commune, dans la mesure même où ils ont relevé, au moment de leur première apparition, d’une pratique collective ou individuelle, mais toujours auto-organisée, qui devient un modèle de pensée.
Les petites figurines de terre cuite dites haniwa de la période kofun, découvertes au Japon, aussi bien que le badigeon sommaire d’une toile avec des couleurs terreuses, suggérant parfois des figures, font partie de ces gestes et de ces images que l’artiste prélève et transporte, qu’il « récolte » comme il le dit lui-même, les reprenant à son compte pour les faire participer à de possibles nouvelles récoltes, édifiant l’une après l’autre une société à la fois parallèle, quelque peu secrète, et ambitieuse.
Edgar Sarin
Haniwa, 2023
Ceramique émaillée, socle d’artiste en chêne
58 x 45 x 15 cm
Galerie Michel Rein
Raphaël Zarka
Depuis une vingtaine d’années, Raphaël Zarka recherche et répertorie les occurrences dans l’histoire humaine des polyèdres complexes et en fait des oeuvres qui relèvent aussi bien de la sculpture que du dessin, de la peinture, de la photographie ou de l’installation. Il est en particulier fasciné par les solides de Platon, où l’astronome romain Johannes Kepler voyait au début du XVIIe siècle les éléments fondamentaux du cosmos, et par leur déclinaison en des objets de nature diverse, notamment des cadrans solaires aux formes à la fois logiques (car fonctionnelles) et exubérantes.
Il fait en quelque sorte l’archéologie d’un futur possible et jamais advenu, à laquelle il donne une nouvelle existence.
Sa découverte d’un extraordinaire instrument astronomique provenant du château écossais de Woodhouselee l’a conduit à en proposer différentes versions, dont une sculpture en bronze posée sur un socle en calcaire, réinterprétation de l’objet d’origine qui devient une sculpture, une abstraction contemporaine dont la source historique est indiquée par le titre et qui suggère des utilisations inattendues, pré et post-scientifiques à la fois.
Raphaël Zarka
Woodhouselee, 2022
Bronze patiné et pierre calcaire,
176 x 38 x 38 cm
Galerie Mitterrand