Commissaire indépendante, Amanda Abi Khalil vit entre Beyrouth et Rio de Janeiro. Sa vision artistique se focalise sur des sujets sociaux et les pratiques qui les accompagnent. Fondatrice de la TAP (Temporary Art Platform) à Beyrouth, une association qui centre le discours artistique et curatorial sur des préoccupations sociales et contextuelles à travers des résidences, des projets de recherche et des commandes, principalement en Amérique du Sud.
Pour les 25 ans d’ART Paris dont BNP Paribas Banque Privée est partenaire, la foire a invité Amanda Abi Khali à sélectionner une vingtaine d’œuvres chez les galeristes présents en mettant en valeur la thématique de l’exil. Un sujet important et symbolique pour Amanda que nous développons dans notre entretien avec elle.
Bonjour Amanda, que représente une foire comme ART Paris pour vous ?
Je ne connaissais pas très bien ART Paris. Je découvre aujourd’hui à quel point c’est une foire de qualité avec un ancrage local tout en ayant une dimension internationale pertinente. Avoir un focus sur les problèmes d’actualités, apporte un angle très intéressant pour une foire commerciale.
Cette année, vous faites partie des commissaires invités à mettre en valeur une thématique qui vous est chère. Avez-vous eu un coup de cœur en particulier lors du choix des œuvres ?
J’ai bien évidemment découvert des artistes que je ne connaissais pas à travers les galeries présentes comme Nabil El Makhloufi. C’est tout l'intérêt d'une foire que d'y faire des découvertes, des rencontres et d’avoir des coups de cœur.
Comment se déroule les choix des œuvres que vous souhaitez distinguer dans une foire aussi riche qu’Art Paris, s'agit-il surtout de coups de cœurs instantanés ou d'un processus plus organique ?
Le parcours que je propose est centré sur l'exil. C'est une thématique qui m’est très chère car j’ai moi-même vécu plusieurs exils dans ma vie. Je reste donc naturellement sensible à ce thème. J’ai procédé en fonction de ce que proposaient les exposants de la foire mais j'ai également suggéré à d’autres galeries qui avaient leur place au sein d’ART Paris de venir y exposer. Tout cela a été organique même si certaines galeries n’ont pas accepté l’invitation.
Le thème de l’exil vous tient à cœur, c’était une évidence pour vous de retenir les œuvres qui font sens par rapport à ce thème. Les galeries ont réagi comment ?
Ils ont très bien réagi. Je pense que c’est un thème du moment; quelque part le terme de l’exil n’est pas forcément compris dans le sens identitaire et géographique mais d'un thème qui touche les artistes en général. Dans la société dans laquelle ils vivent, il y a toujours une forme d’exil. C’est un sujet qui est symbolique, je pense que tout le monde s’y retrouve à sa façon. En tout cas, il n'y a eu aucune résistance dans le processus de sélection, tout s’est bien passé. N’oublions pas que c’est dans l’intérêt des galeries d’accepter de jouer le jeu afin d’être mises en avant dans la foire.
Avec tout ce que vous avez vu au cours de votre "commissariat" à ART Paris, arrivez-vous à prendre le temps d'apprécier une œuvre calmement ?
Personnellement, ce n’est pas du tout l’appréciation de l’œuvre d’art que j’apprécie dans ce type de foire. Pour moi c’est un événement qui fait parti d’un écosystème du marché de l’art. Je ne travaille pas vraiment avec le marché car je ne suis qu’une commissaire d'expositions indépendante. Pour moi c’est avant tout une opportunité pour les artistes. Je ne vois plus les œuvres car j'ai l’occasion de les voir autrement avec plus de calme et de recul. Pour moi, la valeur et la force de cet évènement c'est de pouvoir mettre en contact des galeries avec les artistes que je soutiens. C’est extraordinaire pour construire un réseau au service des artistes.
C’est important d’imposer votre vision et vos valeurs dans cet écosystème ?
Oui pour moi c’est un immense terrain de networking pour les artistes et c’est important pour situer leur art et leur vision. Je travaille en ce moment sur deux projets d’expositions qui auront lieu dans deux ans, c’est donc l’occasion d'identifier ou de retrouver des galeries avec qui je vais travailler et de sélectionner des œuvres. Je suis commissaire indépendante et je ne suis pas dans une forme de business où j'interfère dans les achats entre les collectionneurs et les galeristes.
Pour conclure, vos deux prochaines expositions seront dans la thématique de l’exil également ?
Il y a une exposition qui voyagera dans 17 pays et qui sera en lien avec la migration et bien évidemment toujours sur le thème de l’exil. L’autre projet est différent car c’est une commande pour un espace public. Ce sera in-situ au Brésil et cela sera un projet itinérant.
Crédit photo : Say Who