Les relations entre les États-Unis et la Chine se sont considérablement détériorées sous l’administration Trump et cette dégradation s’accélère. Au cours des derniers mois, cette guerre commerciale est passée d’un affrontement au sujet des droits de douane à des expulsions de nature politique et à des tentatives de blocage de certaines activités commerciales. Qui plus est, les incitations américaines pour que d’autres nations se dissocient elles aussi de la Chine ont été amplifiées par la pandémie de Covid-19, puisque les fermetures d’usines ont amené de nombreux fabricants à délocaliser leurs chaînes d’approvisionnement mondiales. Dans la mesure où l’ascension de la Chine au premier rang des économies mondiales a été largement portée par la mondialisation, ce mouvement de démondialisation aura-t-il des répercussions sur son développement économique dans les années à venir ?
Le désengagement à l’ordre du jour
Le conflit commercial sino-américain actuel ne montre guère de signes de détente, malgré la signature de la phase 1 d’un accord commercial au début de l’année. La pandémie est venue s’ajouter à la tendance à la démondialisation qui frappe la Chine, puisque tant les nations que les entreprises envisagent de déplacer leurs chaînes d’approvisionnement ailleurs pour diversifier les risques, et ce, en particulier concernant la production de biens stratégiques.
Si les tensions entre la Chine et les États-Unis étaient autrefois considérées comme un symptôme de la présidence Trump, il est peu probable que ce processus de désengagement s’inverse avec un changement d’administration en novembre prochain. En effet, l’une des rares choses sur lesquelles les démocrates et les républicains s’accordent est l’idée selon laquelle la montée en puissance de la Chine doit être contenue.
Malgré tout, les chaînes d’approvisionnement mondiales sont profondément interconnectées, et ce n’est pas quelque chose qui peut être démantelé rapidement. Ceci est particulièrement vrai pour les États-Unis, puisqu’une enquête de 2019 a révélé que 95 % des entreprises américaines avaient investi en Chine pour son marché intérieur et que 87 % n’avaient pas l’intention d’en partir1. Autrement dit, un désengagement vis-à-vis de la deuxième économie mondiale pourrait être long à mettre en œuvre. Mais dans quelle mesure la Chine est-elle préparée à faire face à cet apparent retournement de situation ?
La résilience chinoise
Les répercussions de la Covid-19 sur l’économie chinoise se sont avérées moins désastreuses que pour de nombreux pays occidentaux. Le pays semble avoir déjà amorcé un redressement en forme de V classique. Après s’être contractée de 6,8 % en glissement annuel au premier trimestre, l’économie chinoise a rebondi de 3,2 % en glissement annuel au deuxième trimestre et sa croissance annuelle devrait se situer autour de 2,3 % en 2020 et de 6,6 % en 20212.
Cela semble indiquer que ni la pandémie ni les tendances à la démondialisation n’ont provoqué de dérèglement majeur des orientations politiques et des attentes en matière de croissance de Pékin. Au contraire, les événements de cette année ont peut-être même incité le gouvernement à accélérer la mise en œuvre de ses plans pour transformer le modèle de croissance du pays.
La recherche de l’autosuffisance
La pièce maîtresse de la politique étrangère chinoise reste l’initiative « La ceinture et la route », qui prévoit la construction d’un colossal réseau d’infrastructures dans près de 70 pays, principalement en développement. Avec le financement de projets aussi cruciaux, la Chine semble en mesure de maintenir son influence sur la scène mondiale.
Néanmoins, en mai, le régime a mis en œuvre un changement de politique important pour promouvoir une plus grande autosuffisance, étant entendu qu’il ne peut plus compter sur l’intégration mondiale comme moteur de croissance. En transformant son économie pour se concentrer davantage sur la demande intérieure, le gouvernement souhaite se prémunir contre ces risques externes et maintenir sa trajectoire de croissance. Et avec une population de près de 1,5 milliard d’habitants3, la Chine dispose effectivement d’un marché intérieur solide à même de contribuer à ce programme vers l’autosuffisance.
La priorité accordée par le gouvernement au marché national, ou à la « circulation intérieure », se traduira par un effort particulier dans les secteurs de la technologie et de la fabrication haut de gamme et par une réorientation vers le marché domestique des montants considérables dépensés par les consommateurs chinois à l’étranger (250 milliards de dollars par an pour les seuls touristes chinois à l’étranger).
Dans le même temps, le gouvernement vise à renforcer la position de la Chine en tant que superpuissance économique de l’Asie en faisant appel aux marchés de capitaux, financiers et technologiques régionaux et mondiaux pour alimenter la croissance partout en Asie.
La transition de la Chine vers ce modèle de croissance axé sur le marché intérieur a contribué à alimenter la reprise économique en forme de V du pays cette année. Ceci illustre également la résistance de sa dynamique de croissance et la liberté d’action dont elle dispose pour stimuler sa croissance. En effet, celle-ci devrait continuer à dépasser celle des marchés développés dans les années à venir, indépendamment de la tendance à la démondialisation.
La révolution technologique
La technologie est au cœur du modèle de croissance de la Chine depuis 2013, date de l’arrivée au pouvoir du président Xi Jinping. Compte tenu de la prédominance des super-acteurs américains dans le secteur technologique, la croissance chinoise dans ce secteur repose donc davantage sur son marché intérieur. Mais les pays émergents représentent également un marché d’exportation important pour l’industrie technologique chinoise, qui tire profit des relations et des infrastructures développées grâce à son projet « La ceinture et la route ».
Quelques marques se sont néanmoins imposées au niveau international. L’un des principaux fabricants de téléphones a rencontré le succès en élaborant des smartphones à bas prix et mène aujourd’hui sa propre politique de désengagement, puisque ses nouveaux modèles ne sont plus dépendants de puces fabriquées aux États-Unis. Son essor a exposé ses concurrents américains à un risque de substitution sur le marché chinois (sur lequel ce fabricant apparaît également comme un des principaux fournisseurs pour les infrastructures 5G), mais aussi partout ailleurs. Cette société rencontre un tel succès que les États-Unis ont tenté de bloquer vigoureusement le recours à sa technologie, non seulement chez eux, mais aussi chez leurs alliés, en invoquant des raisons de sécurité.
Certaines marques chinoises commencent également à occuper une place de choix sur le plan international dans les secteurs des réseaux sociaux de partage de vidéos, du commerce électronique et des fournisseurs de paiement mobile. En ce qui concerne ce dernier secteur en particulier, l’introduction en bourse du premier groupe de technologie financière chinois devrait être l’une des plus importantes au monde, avec une valorisation comprise entre 200 et 300 milliards de dollars.
Ambitions écologiques et sociales
Les autres réussites industrielles chinoises sont davantage passées inaperçues, compte tenu de leur orientation domestique. Les efforts du gouvernement pour révolutionner les capacités en matière de soins de santé du pays, en multipliant par deux la valeur de l’industrie pour la porter à 2,3 milliards de dollars d’ici 20304, ont transformé le secteur. Auparavant, alors que les citoyens les plus riches de Chine pouvaient aller à l’étranger pour y chercher des médicaments et se faire soigner, les plus pauvres n’avaient que très peu d’options. Le pays vise désormais à fournir des soins de santé de meilleure qualité, plus rapides et moins chers que partout ailleurs dans le monde.
Malgré la réputation de la Chine d’être à la traîne dans la lutte contre le changement climatique, l’adoption des véhicules électroniques y est devenue l’une des plus importantes du monde, avec plus d’un million de ventes l’année dernière, et elle occupe également une place prépondérante sur le marché mondial des infrastructures de recharge.
L’adoption des véhicules électroniques fait partie intégrante d’un plan plus large intitulé « Made in China 2025 », qui prévoit de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de parvenir à l’indépendance énergétique du pays, entre autres objectifs économiques. Par ailleurs, la Chine s’est récemment engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2060, preuve de l’engagement du gouvernement en faveur des objectifs mondiaux de lutte contre le changement climatique. Il s’agit d’un pas en avant considérable, mais peu de précisions ont jusqu’à présent été données quant à la manière dont ce changement se fera, d’autant plus qu’elle dépend actuellement des combustibles fossiles pour près de 85 % de ses besoins énergétiques.
Une énigme en matière d’investissement
Bien que ses perspectives de croissance soient quasiment imbattables à l’heure actuelle en dépit des deux obstacles majeurs que sont la pandémie et la démondialisation, la Chine reste une énigme pour les investisseurs. La volonté de faire correspondre investissements et critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) a gagné en importance au cours de cette année d’instabilité. Mais, malgré les efforts de la Chine pour mettre en place des initiatives environnementales plus écologiques, certaines de ses mesures en matière de politique sociale, notamment les nouvelles lois sur la sécurité à Hong Kong et l’emprisonnement massif de la minorité ouïgoure, créent un certain malaise au niveau international.
Chez BNP Paribas Asset Management, nous sommes conscients que la Chine est appelée à devenir un thème d’investissement de plus en plus important et nous disposons d’experts dont la mission est d’aider nos clients à mieux appréhender cette région complexe. Les nombreuses opportunités qu’offre la Chine sont accessibles de manière thématique, par le biais des technologies, des soins de santé et des infrastructures, mais aussi de manière plus directe. Fidèles à notre volonté d’investiguer avant d’investir, nous cherchons à identifier les opportunités d’investissement qui génèrent des rendements durables à long terme pour nos clients, en veillant à ce que les valeurs intrinsèques de l’investissement responsable restent au cœur de notre approche en matière d’investissement.
Pour en savoir plus, consultez notre page thèmes d’investissement.
La valeur des investissements et les revenus qu’ils génèrent peuvent aussi bien diminuer qu’augmenter et il est possible que les investisseurs ne récupèrent pas leur mise de fonds initiale.
L’investissement dans les marchés émergents, ou dans des secteurs spécialisés ou restreints, est susceptible d’être soumis à une volatilité supérieure à la moyenne en raison d’un degré élevé de concentration, d’une plus grande incertitude parce que moins d’informations sont disponibles, qu’il y a moins de liquidité ou en raison d’une plus grande sensibilité aux changements des conditions du marché (conditions sociales, politiques et économiques).
Certains marchés émergents offrent moins de sécurité que la majorité des marchés internationaux développés. C’est pourquoi les services de transactions de portefeuille, de liquidation et de conservation pour le compte de fonds investis dans les marchés émergents peuvent présenter un risque plus important.
1 Consultez « Member Survey – US-China Business Council 2019 » https://www.uschina.org/sites/default/files/member_survey_2019_-_en_0.pdf, et « Most U.S. Firms Have No Plans to leave China Due To Coronavirus : Survey », Reuters Business Newshttps://www.reuters.com/article/us-health-coronavirus-china-business/most-u-s-firms-have-no-plans-to-leave-china-due-to-coronavirus-survey-idUSKBN21Z08K
2 Source: Estimations internes de BNP Paribas Asset Management.
3 Source: https://www.worldometers.info/world-population/china-population/#:~:text=The%20current%20population%20of%20China,of%20the%20total%20world%20population.
4 Source: bloomberg.com; China Is Striving for the World’s Best, Cheapest Healthcare
Article extrait du site BNP Paribas Asset Management