D’actualité depuis de nombreuses années, plus particulièrement depuis le début de la révolution syrienne qui a transformé la Méditerranée en tombeau, le thème de L’Exil inspire les artistes de tous horizons. Qu’il soit choisi ou forcé, il est toujours subi. Exilée depuis de longues années, Amanda Abi Khalil, commissaire invité, propose, dans Art Paris, un parcours varié qui en tout point conduit à une narration singulière.
Une odyssée pour certains, une fuite fulgurante pour d’autres, l’exil est pluriel. Il en existe autant que de réfugiés, de migrants, d’apatrides, de personae non gratae, d'expatriés ou de nomades. Curatrice indépendante, naviguant entre Beyrouth et Rio de Janeiro, Amanda Abi Khalil connaît trop bien le sujet. Elle en est à son troisième depuis la guerre civile au Liban. Ayant créé la plateforme TAP (Temporary Art Platform) en 2014, elle s’y intéresse aujourd'hui d’un point de vue qui dépasse l’entendement strictement géographique et identitaire. En ce sens, elle met les projecteurs d’Art Paris sur 18 artistes qui aborde ce thème sans pathos et sans démagogie, mais chacun à leur manière. La plus évidente est celle du peintre Nabil El Makhloufi représenté par la galerie marocaine l’Atelier 21, véritable coup de cœur d’Amanda Abi Khalil.
Nabil El Makhloufi - Galerie l’Atelier 21
Ne semblant faire qu’une, des silhouettes masculines rassemblées investissent les toiles de Nabil El Makhloufi. Né à Fès, en 1973, le peintre traite l'exil sans détour. Ses œuvres figuratives, graphiques et poétiques placent le spectateur en voyeur face à une foule dans l’expectative, accrochée à un rocher ou embarquée vers l’inconnue. Un visage s’en détache parfois. Un eye contact ? Non, le regard vague, il exprime une grande mélancolie que Nabil El Makhloufi a pu observer chez les exilés lors de ses allers-retours culturels entre le Maroc et son pays d’adoption, l’Allemagne.
Boris Mikhaïlov - Galerie Suzanne Tarasieve
Photographe devenu populaire depuis la guerre en Ukraine, récemment exposé à La Bourse de Commerce et à La MEP, Boris Mikhaïlov est de toutes les foires d'art contemporain, mais son travail dépasse les frontières de ce malheureux concours de circonstances. Né à Kharkiv en 1938, l’artiste engagé pratique la photographie sociale et documentaire depuis son plus jeune âge. Parfois, il peint par-dessus avec des teintes flashy, comme sur Untitled from the ‘Sots Art’ series,1975-1986. Répandue en Union Soviétique entre les années 1970 et 1980, cette technique permettait de servir la propagande en enjolivant les clichés pour en faire ressortir une gaieté illusoire. Le photographe, membre du mouvement dissident Sots Art, la détournait pour en souligner l’absurdité, en coloriant, presque à la manière d’Andy Warhol, une triste réalité, comme celle des exilés.
Anas Albraehe - Saleh Barakat Gallery
Artiste Syrien né en 1991 et installé à Beyrouth, Anas Albraehe peint des humains, emmitouflés dans des sacs de couchage ou des couvertures, prêts à tomber dans les bras de Morphée. Au premier coup d’œil, l’atmosphère émanant de ses œuvres colorées et graphiques, semble paisible presque réconfortante. En réalité, Anas Albraehe immortalise des exilés s'adonnant à quelques minutes d’inconscience salvatrice. Le repos du guerrier ? En quelque sorte ! Inspirée d’une année passée aux côtés des réfugiés, sa série des Rêveurs dépeint des hommes et des femmes sur un fond abstrait, pour les détacher de tout contexte social et leur donner une dimension universelle.
Credit photo : Nabil El Makhloufi, La foule X, 2016, Acrylique et huile sur toile, 130 x 170 cm, Courtesy L'Atelier 21 Art Gallery