Réalisateur de Home, Legacy et tout récemment Woman, auteur du best-seller La Terre vue du ciel, Yann Arthus-Bertrand incarne plus que jamais l’engagement en faveur de notre environnement. Il délivre ici les messages forts et radicaux qui ont traversé son œuvre et ses prises de position depuis quarante ans. Rencontre.
Quel déclic vous mène d’assistant-réalisateur à la place que vous occupez aujourd’hui ?
J’étais très mauvais élève et passionné de cinéma. Je suis parti de chez moi très tôt et j’ai commencé comme agent d’entretien au studio de Boulogne, puis je suis devenu assistant-réalisateur. J’essayais de saisir la chance quand elle passait. C’est ainsi que je suis devenu acteur et que j’ai tourné avec Michèle Morgan. Et puis, je suis tombé amoureux de la mère de mon meilleur ami. À travers elle, j’ai découvert un autre monde : le Kenya. Et avec lui, la vie des animaux en liberté, les lions. Je suis parti étudier trois ans là-bas. Pour gagner ma vie, je pilotais des montgolfières sur place, ce qui m’a donné l’idée de prendre des photos aériennes.
Comment cette expérience vous a-t-elle transformé ?
Comme je le dis souvent, ce sont les lions qui m’ont appris la patience et le sens de la beauté. Indispensables, en photographie. Le fait que mes photos aient été rapidement présentées dans les journaux de géographie a aidé. Je suis devenu spécialiste des prises de vue aériennes. Puis, en 1992, la Conférence de Rio m’a complètement transformé. Ce que je voyais en altitude, c’était la beauté du monde, la pauvreté, la place de l’homme sur la Terre. Ce qui m’a incité à publier le livre La Terre vue du ciel, dans lequel j’ai voulu mettre quantité d’informations en légende, afin de faire aussi passer un message.
Votre cliché préféré ?
Sans doute celle de mes petits-enfants dans mon téléphone. Je ne suis pas un amoureux des photos que je fais. Ce que j’ai vu en vrai restera toujours plus impressionnant que la photo qui suit.
À quel moment, selon vous, la question écologique est-elle devenue plus importante dans le débat public ?
Au moment de la sortie du film d’Al Gore, Une vérité qui dérange. Il a choqué beaucoup de personnes, a permis de basculer dans une ère plus attentive à la question. Il a permis l’évolution du débat sur le sujet. Avant cela, on abordait peu la question du changement climatique, du dérèglement. Quand j’ai réalisé le film Home, on voyait que le sujet avait pris et on a lancé la Fondation Yann Artus-Bertrand pour réaliser des actions à ce sujet.
Constatez-vous des évolutions de comportement ?
Oui, j’ai pu le voir récemment. Lors d’une conférence devant un panel d’adultes, j’ai demandé aux végétariens de se signaler. Deux personnes ont levé la main, sur trois cents présentes. « Combien veulent le devenir ? » Trois ou quatre mains se sont levées. Deux jours après, devant des étudiants, plus jeunes cette fois, j’ai posé la même question. 20 % du public était déjà végétarien, 40 % songeait à le devenir. Les jeunes sont à fond, ils ont compris. J’ai 76 ans, ma génération, et même celle d’après, ne s’engage pas de la même façon. Pour moi, le premier écogeste, le plus simple et le plus efficace, est de devenir végétarien, de ne pas consommer de viande industrielle, pour protéger la vie sur Terre.
Des voix s’élèvent pour mener ce combat en faveur d’un monde meilleur ?
Bien sûr. Greta Thunberg a lancé un mouvement formidable. Par ailleurs, je crois en l’intelligence collective. La Convention citoyenne pour le climat l’a montré. 150 personnes tirées au sort, qui ne connaissaient pas forcément ces questions, se sont formées au sujet et ont émis des propositions intéressantes.
Visuel : Origine du monde, Madagascar, YAB, 1998