Entré à BNP Paribas en 1998, Nicolas Otton est, depuis 2020, le directeur de BNP Paribas Banque privée, première dans son activité en France avec 122 milliards d’euros d’actifs sous gestion. Elle emploie environ deux mille salariés. Il est aussi le président de la société de Bourse Portzamparc.
LE FIGARO. - Vous faites évoluer l’organisation et les compétences de vos mille conseillers. Pourquoi ?
Nicolas OTTON. - L’un des enjeux de la banque privée est d’accompagner la nouvelle génération d’entrepreneurs, qui revendent souvent leur société plus tôt que les générations précédentes avec le désir de réinvestir. Ces dernières années, le nombre de clients de moins de 40 ans que nous accompagnons a doublé. Cela implique que nos conseillers renforcent leurs compétences patrimoniales ou juridiques sur les sujets importants pour cette clientèle. Nous avions jusqu’à présent des conseillers plutôt dédiés aux particuliers et d’autres tournés vers les entrepreneurs. À l’avenir, en s’appuyant sur leur expertise renforcée, ils s’occuperont indifféremment des uns et des autres.
Comment faites-vous pour les engager dans cette voie ?
Pour répondre aux nouvelles attentes des salariés, nous avons mis en place un parcours de formation qu’ils peuvent suivre à leur rythme. L’initiative a été bien accueillie parce qu’elle leur permet de développer leurs expertises et qu’elle est soutenue par un plan de rémunération attractif.
Les exigences des salariés vous semblent-elles différentes aujourd’hui ?
L’approche selon laquelle un salarié donne son temps en échange d’un salaire n’est plus pertinente. Pour qu’un métier ou une entreprise soient attractifs, trois conditions doivent être réunies. D’abord, la reconnaissance du travail réalisé : cela passe par la rémunération, par la valorisation des métiers et par un management de proximité qui donne du sens au travail. Ensuite, la montée en compétences : progresser, c’est améliorer sa valeur dans l’entreprise et au-delà. Enfin, la simplicité dans l’exercice même du métier compte beaucoup : il faut pouvoir déléguer et laisser une place suffisante à l’initiative.
Comment répondez-vous à ces attentes ?
Le projet stratégique de BNP Paribas - une croissance responsable et durable, qui s’appuie sur la technologie - est porteur de sens. Pour faciliter l’enrichissement des compétences, nous avons développé des formations disponibles depuis début 2022 sur MyPlateform, où chaque collaborateur peut puiser. Pour plus de simplicité, nous nous appuyons sur des solutions technologiques, grâce à la méthode Agile. Par exemple, pour aider les conseillers à rédiger le reporting financier mensuel adressé à chaque client, nous avons imaginé la solution numérique MyReport : les gérants y déposent leurs commentaires sur les portefeuilles et les conseillers peuvent y trouver les informations adaptées à leurs clients. Ils n’ont plus à solliciter le gérant. De même, chacun peut rapidement vérifier un point juridique ou fiscal dans une base de données, BiblioPat.
Comment fonctionne cette méthode Agile ?
Elle consiste à fixer un objectif précis (par exemple, une solution à apporter aux équipes), confié à une petite équipe pluridisciplinaire (« squad »), avec un budget, un délai, un responsable. Cette méthode qui apporte plus de souplesse permet de gagner en efficacité. La « squad » est transversale, avec des représentants des entités concernées. Dans de grandes organisations, comme la nôtre, cela permet d’aller plus vite. C’est pourquoi aux squads existant dans le groupe (sur l’épargne, sur l’investissement…) j’ai ajouté, pour la banque privée, une squad sur la simplification des process et une sur la durabilité, notamment l’investissement socialement responsable.
Les résultats sont-ils à la hauteur de vos espérances ?
Ces solutions numériques sont bien accueillies. Elles répondent à un besoin exprimé par les collaborateurs, auxquels nous avons demandé d’identifier les points qui leur semblent prioritaires. Ainsi, la technologie n’est pas un nouveau changement à assimiler ou quelque chose d’inutile qu’ils seraient tentés de laisser de côté. C’est une aide réelle, car elle est pensée pour leurs besoins. Autrefois, quand nous avions une idée, nous la développions à un stade assez avancé avant de la tester auprès des équipes. Désormais, nous testons la pertinence de l’idée plus tôt afin de nous assurer qu’elle répond aux attentes et que nous pourrons la développer.
Avez-vous repensé l’organisation de la banque privée, depuis votre arrivée ?
Pour poursuivre notre développement, il est essentiel d’engager tous nos collaborateurs, de développer les talents et d’être attractifs. Dans la banque commerciale, d’où je viens, les échelons hiérarchiques sont peu nombreux : un directeur d’agence, des chargés de clientèle, parfois un assistant… Je fonctionne encore comme cela. Ces organisations « plates » me semblent efficaces.
Dans le cadre de Leadership Talent, vous épaulez des cadres à potentiel. Vous avez vous-même suivi un tel programme de mentoring, à vos débuts. Qu’en avez-vous retiré ?
Être associé à des projets, participer à des prises de décision, m’a beaucoup appris. Aujourd’hui encore, je me souviens des conseils qui m’ont été donnés. Mon mentor insistait sur l’importance du réseau. Je mesure, plus qu’à l’époque, combien en avoir un nourrit et enrichit ma vision stratégique.
Comment définiriez-vous votre mode de management ?
Participatif. J’aime le contact, et les échanges me nourrissent. Les équipes de la banque privée sont en grande partie déployées en province, je me déplace donc beaucoup. Mais je prends le temps de la réflexion. Pour décider, il faut savoir prendre de la hauteur.
Propos recueillis par Anne Bodescot, publiés dans Le Figaro le 12 décembre 2022
Photo par ©Antoine Doyen - Mirage Collectif