En 2017, l’ancien président français Jacques Chirac déclarait : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature, mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer et nous refusons de l’admettre. Elle souffre de mal-développement, au Nord comme au Sud, et nous sommes indifférents. La terre et l’humanité sont en péril et nous en sommes tous responsables. »1
Ces propos pourraient être considérés comme un fidèle résumé de ce qui s’est passé lors de la COP 26 à Glasgow. À bien des égards, l’événement a été décevant. Mais, avec le recul, peut-être nos attentes étaient-elles trop élevées par rapport à ce que l’on pouvait réellement accomplir ? Avant tout, nous devons nous rappeler que tout ce qui résulte de la COP ne peut être qu’un compromis. Les décisions doivent être prises à l’unanimité des 197 membres et, pour le dire de manière diplomatique, cet objectif est difficile à atteindre. Peut-être devons-nous donc reconsidérer l’objet des COP ? Plutôt que d’attendre d’elles qu’elles répondent clairement à toutes les questions soulevées, peut-être doit-on les envisager simplement comme un forum permettant de faire pression sur les sujets critiques, de faire émerger de nouvelles idées, d’ouvrir de nouveaux fronts pour lutter contre le changement climatique et d’unir ceux qui sont prêts à s’engager en faveur des changements nécessaires ?
Ainsi, plutôt que de considérer la COP 26 comme un échec, peut-être devrions-nous également nous pencher sur ses victoires et nous appuyer sur l’élan indéniable qu’elle a créé dans la société au sens large pour faire en sorte que les résultats des prochaines COP soient plus probants.
Évaluation des principaux objectifs de la COP 26
La COP 26 avait quatre objectifs principaux. Afin d’évaluer objectivement le bilan de l’événement, examinons chacun d’entre eux.
- Relever les ambitions et fixer des objectifs de neutralité carbone.
Les nations ont été invitées à présenter leurs derniers (et plus ambitieux) engagements en faveur de la neutralité carbone, appelés contributions déterminées au niveau national (CDN). Bien que de nombreux engagements aient été pris avant et pendant l’événement, force est de constater que le résultat collectif de ces engagements est décourageant. Les CDN actuelles ne sont tout simplement pas suffisantes pour atteindre les objectifs de neutralité carbone de l’Accord de Paris. En réalité, si l’on se base sur ces engagements, la température moyenne à la surface du globe devrait augmenter d’environ 2,7 °C d’ici la fin du siècle2. Un résultat loin d’être satisfaisant.
- Accélérer l’action climatique et en élargir la portée pour englober la destruction de la nature et de la biodiversité.
De nombreuses annonces ont été faites dans ce domaine. Plus de 100 pays, dont les États-Unis, le Japon et le Canada, se sont engagés à réduire considérablement leurs émissions de méthane. De même, 40 pays se sont engagés à ne plus implanter de nouvelles centrales électriques au charbon. Ces deux initiatives sont certes importantes, mais ni la Chine ni l’Inde ne participent à ces accords. Dans le cadre de l’alliance « Beyond Oil and Gas », 20 pays ont convenu de ne plus accorder de licences pour de nouveaux projets de production de pétrole et de gaz. Il s’agit là encore d’une avancée positive, mais aucun des principaux pays producteurs de pétrole et de gaz ne fait partie de cet accord. Il est toutefois notable que la Chine et les États-Unis aient annoncé leur propre accord de coopération sur le climat, même si peu de détails ont été dévoilés.
- Honorer l’engagement pris de mobiliser 100 milliards de dollars par an pour financer la lutte contre le changement climatique.
La plus grande déception de cette COP réside sans doute dans l’incapacité constante des nations développées à respecter cet engagement et donc à aider les nations émergentes à s’adapter au changement climatique. Ces promesses non tenues ne nuisent pas seulement aux efforts déployés pour atténuer le changement climatique en général, mais elles entachent aussi gravement la crédibilité de la COP elle-même.
- Renforcer le rôle des acteurs non étatiques dans la course vers la neutralité carbone.
Ce dernier objectif fut sans aucun doute le plus réussi. Une série d’annonces majeures ont été faites par des villes, des entreprises (dont BNP Paribas Asset Management) et des investisseurs, qui se sont engagés à travailler ensemble pour atteindre la neutralité carbone. Si de tels engagements doivent être salués, ils présentent une faiblesse majeure qui ne peut être ignorée : ces promesses ne sont pas accompagnées de mesures concrètes ou d’objectifs à court terme. Il n’existe aucun moyen mesurable de demander des comptes sur ces engagements. Pour l’instant, ce ne sont que des mots.
Réexaminer la déception liée à la « réduction progressive » du charbon
La reformulation de dernière minute qui a fait préférer l’engagement d’une « réduction progressive » à celui d’une « sortie progressive » du charbon fut sur le moment la plus grande déception. Cette première réaction était tout à fait légitime, puisque la sortie progressive du charbon est un élément essentiel des mesures de défense de la planète contre le changement climatique. Cependant, était-il réaliste d’attendre de nations telles que la Chine et l’Inde qu’elles acceptent un tel engagement ?
Le charbon représente la sécurité énergétique de nombreux pays qui n’ont pas grand-chose d’autre. Qui plus est, la demande énergétique de beaucoup de pays émergents augmente au moment même où la production d’énergie devrait être décarbonée. Dans cette optique, le fait de réussir à persuader bon nombre de ces nations de « réduire progressivement » leur recours au charbon doit être considéré comme un triomphe. Oui, il faudrait aller plus loin, mais les pays développés doivent renforcer leur rôle de leader en matière de décarbonation et honorer leurs engagements financiers pour le climat, avant de pouvoir en demander trop aux pays émergents.
Entre les lignes de l’accord sur le climat entre les États-Unis et la Chine
On sait peu de choses sur la coopération sur le climat entre les États-Unis et la Chine, mais en soi, cet accord est hautement symbolique. À elles deux, ces nations sont responsables de 40 % des émissions de carbone dans le monde3. Étant les deux premières économies du monde (en termes de taille), elles ont une réelle opportunité de faire bouger les choses en matière de changement climatique et toutes deux expriment de grandes ambitions dans ce domaine.
Reste à savoir si cette nouvelle phase se traduira par un prolongement de leur rivalité géopolitique qui les poussera à se surpasser l’une l’autre en matière de changement climatique ou si elle débouchera sur une véritable ère de coopération fondée sur le partage de savoir-faire et de technologies. Du point de vue de l’investissement environnemental, il sera toutefois important que leurs relations, pour l’instant glaciales, se dégèlent, car l’incertitude permanente et les pressions exercées sur les chaînes d’approvisionnement entravent les efforts de progrès.
Célébrer la coalition des volontaires
Pour maintenir la dynamique de la lutte contre le changement climatique, il est essentiel d’admettre que la COP est une initiative imparfaite, mais finalement positive. Même si elle ne permet pas d’atteindre tous les résultats souhaités, elle constitue un moyen efficace d’ouvrir de nouveaux fronts face au changement climatique et de faire avancer les discussions. Surtout, les COP sont l’occasion pour les pays de s’unir et de former une coalition de volontaires plutôt que d’essayer de relever ces défis seuls.
Cela étant dit, il est urgent de prendre des mesures supplémentaires dans la course vers la neutralité carbone, y compris des actions sur le terrain, si nous voulons faire une réelle différence. Les ambitions nationales devront être revues à la hausse rapidement et les gouvernements devront agir de manière plus décisive qu’ils ne l’ont fait jusqu’à présent.
Qu’est-ce que cela signifie pour les investisseurs ? Seront-ils exposés à un risque de transition plus important, tel que celui des actifs improductifs ?
Pour étudier les meilleures réponses à ces questions, BNP Paribas Asset Management a rejoint un consortium de prévision de la transition climatique, appelé la « Réponse Politique Inévitable » (IPR, Inevitable Policy Response), en tant que partenaire stratégique. Ce projet a pour vocation d’élaborer un scénario politique prévisionnel présentant les principales politiques climatiques susceptibles d’être mises en œuvre dans les années 2020 et de quantifier l’impact de cette réponse sur l’économie réelle et les différents secteurs4.
En substance, il s’agit de réfléchir à ce que sera concrètement la transition — dans quelles régions, dans quels secteurs et dans quels délais — afin que nous puissions, en tant qu’investisseurs, aider nos clients à faire face à cette transition de manière optimale et à placer leurs capitaux dans des opportunités en forte croissance, rentables, intéressantes et dynamiques.
2https://sdg.iisd.org/news/un-reports-find-updated-climate-commitments-fall-far-short-of-paris-goal/
3https://worldpopulationreview.com/country-rankings/co2-emissions-by-country
4https://www.unpri.org/inevitable-policy-response/what-is-the-inevitable-policy-response/4787.article
source : BNP Paribas Asset Management